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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/48

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REVUE PÉDAGOGIQUE

J’y ai été reçu très froidement, car, je le répète, elles ont un caractère complètement privé, et en y pénétrant, même avec une autorisation du premier ministre et en compagnie d’un notable de la localité, je violais en quelque sorte le domicile d’un particulier.

L’enseignement supérieur se donne à Tunis à la grande mosquée appelée Djama Zitoûna[1].

Là un grand nombre de professeurs, fort instruits dans leur partie, font des cours de droit, de grammaire, de rhétorique, de théodicée. fs expliquent aussi le Coran à l’aide de commentaires, mais ils font rarement des cours de littérature proprement dite[2]. La poésie, l’histoire, la géographie n’occupent dans l’enseignement qu’une place tout à fait effacée ; l’étude des sciences y est à peu près inconnue. Les branches les plus cultivées sont le droit et la grammaire. Les professeurs en développent les points les plus obscurs, s’arrêtent aux subtilités de tous genres et arrivent par ce moyen à ne rien apprendre à la majorité de leurs auditeurs. Ceux dont l’intelligence a pu profiter quelque peu de cet enseignement, qui rappelle l’enseignement scolastique du moyen âge, deviennent cadi, adel, fonctionnaires de l’administration, etc. Les plus distingués peuvent aspirer à leur tour au professorat.

Les étudiants qui fréquentent ces cours (ils sont, m’a-t-on dit, au nombre de 700 environ) sont entretenus pour la plupart à l’aide des revenus des biens habous. La commission chargée de la gestion de ces biens leur donne mensuellement une certaine somme avec laquelle ils pourvoient à leur entretien. Beaucoup demandent leur nourriture à la générosité de riches particuliers. Ils sont logés dans des établissements qui portent le nom de medâres (au singulier medraça), et dans lesquels certains cours se font également. Ces medâres, qui sont relativement bien installées, n’ont en général qu’un rez-de-chaussée où il y a une salle d’étude décorée du nom de mosquée et un certain nombre de chambres, de 20 à 40, occupées par deux, trois

  1. Djama signifie qui réunit. C’est le lieu où les musulmans se réunissent pour faire la prière, assister aux prônes, etc. Dans presque tous les djama on fait des cours de droit, de théodicée ou de grammaire. Zitoûna a le sens d’olivier. À l’endroit où la grande mosquée qui porte ce nom a été construite, il y avait, paraît-il, autrefois un olivier près duquel était une zaouia.
  2. Les professeurs arabes font rarement leurs cours sans avoir sous les yeux le texte à expliquer et un commentaire. Les auditeurs ont également un exemplaire sur lequel ils suivent, et ils se contentent d’écouter ce que dit le maître sans demander d’explications. Bien rarement le professeur cherche-t-il à savoir si son auditoire a compris. Il est vrai que ce sont presque toujours les mêmes ouvrages qui font l’objet des leçons, et que les passages qui n’ont pas été saisis à la suite d’une première explication deviendront plus clairs pour les étudiants à la seconde ou à la troisième. Jamais il n’est donné de devoirs écrits à faire.