Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/50

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
40
REVUE PÉDAGOGIQUE

nous ? car tous les locaux que j’ai vus seraient difficilement appropriés à notre enseignement. Du reste, j’affirme que la chose est impossible et que, si on voulait la mettre à l’essai, on blesserait sans résultat utile toute la population, même si les maîtres chargés de l’enseignement du français étaient musulmans. L’indigène tunisien, quoique plus sage, plus policé que ses coreligionnaires d’Algérie, tient encore à sa religion, bien qu’elle ne soit pas chez lui entachée de fanatisme et qu’il sache faire plier les exigences du culte aux nécessités de notre époque de progrès. Il acceptera avec joie nos leçons, mais à la condition qu’elles ne toucheront pas aux questions religieuses. Or si nous voulons faire pénétrer notre enseignement dans les lieux destinés spécialement à l’étude du Coran, nous l’indisposerons contre nous. Il est donc prudent de notre part de ne rien faire qui puissé lui permettre de croire que nous voulons nous immiscer dans le domaine de la religion. Ce que nous ne devons pas faire maintenant, peut-être viendra-t-il le demander lui-même plus tard.

Voici, à mon avis, ce qu’on pourrait faire avec beaucoup de chances de succès, en attendant que nos cours normaux convenablement installés et le collège Sadiki nous aient fourni un personnel tunisien suffisant.

Il faudrait créer à Tunis pour les indigènes trois ou quatre écoles à la tête desquelles nous placerions des maîtres français sachant l’arabe. Si le nombre des élèves l’exige, on prendrait au collège Sadiki des adjoints qui, sous la surveillance de l’instituteur, seraient chargés de certaines classes, ce qui aurait l’avantage de les préparer à l’enseignement tout en leur permettant d’achever leurs études. Pour les locaux, nous obtiendrions sans doute (et il faudra que le gouvernement tunisien s’y prête de bonne grâce) plusieurs de ces medâres dont j’ai parlé plus haut, et qui, par leur disposition intérieure, conviendraient assez à l’installation de ces écoles, si les aménagements nécessaires sont reconnus possibles par un architecte. Le directeur y aurait même son logement. On conserverait la mosquée, dans laquelle se ferait l’enseignement du Coran que je juge indispensable de maintenir jusqu’à nouvel ordre.

Dans les commencements, je ne demanderais que cinq heures de classe par jour aux directeurs, et je leur ferais faire, quatre ou cinq fois par semaine, des cours d’adultes. Ces cours seraient, j’en ai la certitude, favorablement accueillis par les jeunes gens tunisiens, et nous pourrions sans doute augmenter ainsi rapidement le nombre de nus élèves-maîtres. En tout cas, ils auraient pour résultat d’assurer notre influence, d’augmenter la confiance des indigènes dans notre protectorat, en leur faisant voir que nous ne cherchons que leur bien et que nous voulons Îles rapprocher le plus possible des peuples civilisés de l’Europe. Je recommanderais même aux maîtres français de consacrer une partie de leurs cours à des conversations