Aller au contenu

Page:Revue pédagogique, second semestre, 1883.djvu/51

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
41
ORGANISATION DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE EN TUNISIE

sur des sujets divers capables d’intéresser leurs auditeurs et de frapper leur imagination. Nos instituteurs seraient ainsi, en dehors de leur rôle pédagogique, ce que j’appellerais volontiers des semeurs d’idées.

Je voudrais aussi faire réserver une des plus belles medâres a ceux des étudiants indigènes qui demanderaient à étudier notre langue et qui consentiraient à accepter plus tard des postes d’instituteurs. On leur procurerait plus de confortable, on veillerait à ce que leurs chambres fussent mieux entretenues, on demanderait pour eux à la commission chargée de la gestion des biens habous une allocation plus forte, de façon à les attirer ; mais aussi on exercerait sur eux une surveillance de tous les instants, et on exigerait un travail sérieux et continuel et des progrès sensibles sous peine d’être renvoyés. Le professeur ou les professeurs d’arabe qui font actuellement des cours dans cette medraça continueraient leurs leçons. mais en dehors des heures qui seraient réservées à l’étude du français. Je mettrais dans cet établissement, qui serait comme l’embryon d’une école normale dont la nécessité se fera bientôt sentir (car le collège Sadiki devra conserver son caractère d’établissement secondaire), le meilleur instituteur qui nous serait envoyé. On diviserait dans la suite les étudiants en plusieurs années suivant le degré de leurs connaissances, et plus tard on n’accepterait dans cette école que les meilleurs élèves des écoles primaires de toute la Régence. Je crois que nous arriverions à créer ainsi, à peu de frais, un établissement durable et sérieux.

En outre, monsieur le ministre, je voudrais voir s’ouvrir le plus tôt possible, dans les principales localités de la Tunisie (Bizerte, Béja, le Kef, Monastir, Sousse, Kairouan, etc.), une dizaine d’écoles semblables à celles de Tunis et où l’on pourrait aussi admettre des Européens. Nous obtiendrions les locaux encore plus facilement au dehors que dans la capitale. L’autorité militaire, jalouse de nous aider dans cette lâche essentiellement pacifique, nous faciliterait, j’en suis sûr, les moyens d’obtenir ce que nous désirerions. Il faudrait même demander dès maintenant des locaux dans tous les endroits où une garnison a été établie, dussions-nous ne pas les utiliser tout de suite : nous les aurions au moins pour plus tard. En outre, quel inconvénient y aurait-il à demander que, dans certains endroits, des jeunes gens pris dans l’armée, sergents ou autres, fussent détachés pour tenir momentanément, moyennant une très légère rétribution, quelques-unes de nos écoles reculées ? Ces différents instituteurs nous prépareraient rapidement des candidats pour mes cours du collège Sadiki et de l’école normale, et, au bout de quelques années, nous aurions formé une pépinière d’instituteurs indigènes que nous répandrions dans toute la Tunisie. La dépense première que nous serons obligés de faire sera largement compensée par les résultats que nous obtiendrons. Du reste, elle ne sera pas très forte, puisqu’il ne nous faudra qu’une quinzaine de maîtres.