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ULRICH ZWINGLI

On ne s’étonnera pas de ce qu’un traité écrit par l’un des fondateurs des églises protestantes ait un caractère religieux très accentué ni qu’il porte l’empreinte fortement marquée de la théologie de l’auteur. La première partie, comme de juste, est consacrée à l’éducation religieuse des jeunes hommes ; la seconde partie traite de la formation du caractère, et la troisième résume les qualités qu’il faut développer chez le jeune homme en vue de la vie sociale.

Dans la pensée de Zwingli, la première partie est la plus importante, puisqu’elle pose les principes en dehors desquels toutes les recommandations ultérieures resteront vaines. Zwingli est rigoureusement déterministe et partisan de la prédestination. Il n’admet pas le libre arbitre chez l’homme ; tout ce qu’il y a de bon dans un individu est l’œuvre de l’esprit de Dieu en lui. Il faut que le fidèle vive en Dieu et que Dieu vive en lui, cette substitution de l’esprit divin à l’esprit charnel impuissant de l’homme est le propre de la foi, non pas de la foi intellectuelle, mais de la foi mystique et morale, qui fait que l’homme, se détournant du mal auquel le pousse sa nature charnelle, aspire de toutes les forces de son âme à la vérité, au bien, à la sainteté, au divin. Mais cette foi même, cette transformation intérieure de l’être charnel en être spirituel, cette consécration absolue à Dieu et à sa volonté, l’homme n’y parvient pas en vertu de son propre mérite ai par ses propres efforts. Cela même est l’œuvre de Dieu en lui. Dieu communique son esprit aux uns, par l’Écriture sainte et par une sorte d’inspiration intérieure, mais il le refuse aux autres en vertu de sa toute-puissance et de sa liberté absolue. Ce système, d’une haute valeur philosophique et dont les points de contact avec le déterminisme scientifique moderne n’échapperont pas aux yeux clairvoyants, était le produit de la réaction contre la doctrine du salut gagné par les œuvres ou acheté à prix d’argent, c’est-à-dire du salut extorqué à Dieu moyennant des procédés mécaniques. Mais il semble renfermer en germe la condamnation même de toute espèce d’éducation. La première condition du développement spirituel et moral étant la foi (au sens indiqué plus haut), la foi étant un don gratuit de Dieu sans secours de l’homme, il semble parfaitement inutile de travailler à l’éducation de la jeunesse, puisque nul ne peut changer le sort qui lui est réservé.