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ULRICH ZWINGLI

du grec et du latin, est donc indispensable à la jeunesse qui veut s’instruire. Nul ne pouvait s’en rendre compte mieux que Zwingli, l’un des meilleurs élèves des philologues de la Renaissance.

Toutefois l’exemple d’un grand nombre des plus brillants humanistes était trop actuel pour que notre réformateur ne prit pas tout de suite ses précautions, en rappelant à la jeunesse que l’étude de l’antiquité ne doit pas aboutir à la glorification de tout ce qu’elle nous a laissé. Il ne veut pas de ces esprits lettrés, fins et délicats, mais avides d’esthétique plutôt que de morale. Il y a bien des choses, dit-il, qu’il faut apprendre, non pour s’en inspirer, mais pour s’en garder. L’étude des langues, à ses yeux, ne doit servir qu’à faire mieux comprendre le Christ et à lui ramener les âmes. C’est le Christ qui est le modèle parfait ; c’est de lui que le jeune homme doit s’inspirer. Et l’’énumération des vertus que le Christ a incarnées ne se fait pas attendre. Mais, par un singulier contraste, le disciple de la Renaissance, perçant à travers le réformateur, trahit malgré tout, dans ce développement, l’influence de la morale grecque. Non seulement, en effet, il invoque à l’appui de ses préceptes l’autorité des anciens ; c’est la détermination même des vertus réclamées qui est toute conforme à la conception de la belle époque philosophique de la Grèce : point d’exagération dans aucun sens ; la vertu, telle que la veut Zwingli, est également éloignée de l’ascétisme comme de la dissipation ; elle est mesurée et harmonieuse, « elle est dans la modération », suivant la belle expression d’Aristote. Il faut, dit-il, apprendre aux jeunes gens à être réfléchis, réservés dans leurs paroles et dans leurs manières, sobres, ennemis du luxe ; il faut les mettre en garde contre l’amour de l’argent et l’amour de la gloire, ces deux fléaux qui ont tant fait de mal à l’humanité. Il faut qu’ils cultivent avec modération les connaissances qui ne contribuent pas à former l’âme, telles que les mathématiques et la musique, sciences d’agrément qui ne sont pas nécessaires. Il faut leur apprendre à tous un métier qui les mette en état de gagner leur vie et qui les arrache à l’oisiveté, « ce séminaire de lasciveté ».

Sur un point cependant la morale chrétienne reprend entièrement le dessus, lorsqu’il s’agit des rapports avec l’autre sexe. Il faut, dit Zwingli, que le jeune homme donne tout son amour à