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REVUE PÉDAGOGIQUE

le jeu d’échecs ; encore convient-il de ne pas se laisser dominer par la passion au point de consacrer à ces jeux un temps que l’on devrait employer à d’autres occupations. Quant aux dés et aux cartes, ils sont absolument proscrits.

Le grand intérêt du traité pédagogique de Zwingli provient de la combinaison de tendances très diverses que l’on y reconnaît. Ce n’est pas simplement un programme d’éducation de la Renaissance ; il n’a pas davantage le caractère étroit et sectaire que la théologie protestante a maintes fois donné à l’instruction de la jeunesse. Le grand souffle du seizième siècle y passe. L’idéal ascétique et monastique du moyen âge a disparu. Zwingli ne veut pas former des chrétiens vivant hors de la société ; il veut préparer des citoyens, des hommes libres, vivant dans la société, prenant une part directe à la chose publique, des hommes actifs fuyant l’oisiveté comme le plus grand des périls. Son idéal n’est ni le prêtre ni le moine ; car, dans la société telle qu’il la conçoit, il n’y a plus de clergé. L’Église se compose de tous les citoyens, qui choisissent leur gouvernement ecclésiastique aussi bien que leur gouvernement politique. Être bon citoyen et bon chrétien, c’est tout un.

Les éléments positifs du programme d’éducation par l’application duquel seront formés les citoyens sont empruntés à la Renaissance, qui elle-même les tient de l’antiquité : l’étude des langues anciennes, l’étude de la nature, les exercices corporels, la lecture de l’Écriture sainte elle-même sont autant d’occupations favorites pour les humanistes, surtout pour les humanistes de l’Europe centrale et septentrionale, qui ne confondent pas l’opposition à l’Église avec l’hostilité contre le christianisme. Mais l’esprit qui anime le système tout entier, les principes générateurs de l’éducation telle que la décrit Zwingli, ne proviennent pas de la Renaissance. C’est l’esprit de la Réformation fortement trempé dans l’atmosphère virile de ces petites républiques suisses habituées déjà depuis longtemps à se gouverner elles-mêmes. Les hommes de la Renaissance n’ont d’autre but que de former un cercle de fins lettrés, une petite aristocratie d’hommes cultivés, pour lesquels ils réclament la liberté à l’Église comme aux gouvernements. Mais le sort de la masse populaire les préoccupe fort peu, à l’exception de quelques personnalités