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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1890.djvu/208

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REVUE PÉDAGOGIQUE

Je désire que le lecteur se rende compte avec une parfaite clarté de ce que je veux dire. Je ne fais nullement l’éloge de toute la législation française, ni des principes généraux d’action qui ont guidé l’État en France. Il y a bien des points sur lesquels il n’a pas du tout instruit le peuple ; il y a bien des points sur lesquels il l’a mal instruit. Il est possible (c’est là une question qu’on peut discuter) que, tout en l’instruisant bien sur quelques points, il lui ait fait payer cette instruction à un prix trop élevé. Ce que j’affirme, c’est que sur certains points capitaux l’État, par sa législation et par son administration, a exercé une influence directement éducative sur la raison et sur l’équité de la nation, et que le tempérament intellectuel du peuple français montre pratiquement le fruit de cette influence.

Ce serait une tâche intéressante, mais beaucoup trop longue, que de rechercher les causes qui ont empêché l’État, en Angleterre, de remplir cet office d’éducation à l’égard de l’intelligence du peuple. L’État, en Angleterre, n’a jamais montré ni goût, ni aptitude pour l’art de gouverner considéré comme une science profonde et compliquée ; il a fait ce qui était strictement indispensable, et a laissé à la nation le soin de faire le reste par elle-même, si elle le pouvait.

La nation a volontiers acquiescé à une non-intervention qui plaisait à son esprit d’indépendance, et que sa méfiance rendait en grande partie nécessaire. Sans doute, la vigueur du caractère national a grandement bénéficié de cet état de choses. Cependant, il présente des inconvénients. L’État, en Angleterre, administre si peu, il craint à tel point d’être soupçonné d’usurpation illégale, que, lorsque de temps en temps il est appelé à administrer sur une grande échelle, son organisme se trouve gêné par le manque d’habitude et par une sorte de timidité ; il se remue comme un homme dont les membres auraient été liés pendant des années et à qui l’on ordonnerait de marcher aussitôt après l’avoir dégagé de ses liens. Le peuple anglais, habitué à ne pas recevoir de secours d’une puissance plus haute que lui, ni d’inspiration d’une intelligence supérieure à la sienne, échoue lorsqu’il a à remplir des fonctions auxquelles ne suffisent pas l’intelligence et la puissance d’un simple particulier. Que de fois n’est-on pas forcé de dire, en le voyant essayer de remplir ces fonctions, qu’il