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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1890.djvu/216

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REVUE PÉDAGOGIQUE

vulgaire de présomption qui se contente d’un degré inférieur de culture, cette institution a doté la France d’un bienfait incalculable[1].

Lorsque je considère que l’Angleterre et la France échapperont probablement à deux des pires dangers qui menacent les progrès futurs des autres nations, et lorsque je me rappelle d’autres points sur lesquels les deux peuples présentent au moins une ressemblance, importante quoique négative, j’avoue que l’intérêt avec lequel j’envisage, en France, l’avenir d’un grand agent de progrès national, comme l’éducation populaire, ne connaît pas de bornes. Les deux peuples se ressemblent en ce qu’ils sont chacun plus grand qu’aucun autre, chacun différent de tous les autres. Nous avons beau appeler les Français des Celtes et nous-mêmes des Teutons, lorsque deux nations ont atteint la grandeur de la France et de l’Angleterre, elles ne peuvent plus ressembler profondément à aucun autre peuple au delà de leurs propres frontières. On a répandu des torrents de science pédantesque au sujet de notre origine germanique ; à vrai dire, nous ne sommes pas plus Allemands aujourd’hui que nous ne sommes Français. Par le mélange de notre race, par la latinisation de notre langue, par l’isolement de notre pays, par l’indépendance de notre histoire, nous avons depuis longtemps rompu tous les liens vitaux qui nous rattachaient à la grande souche germanique, dont, il y a seize cents ans, un des rejetons a pris racine dans cette île. La France est également détachée par sa propre grandeur des races latine ou celtique qui furent jadis ses ancêtres. Il en est de même de la grandeur des deux peuples : chacune d’elles est unique dans son genre et n’a de contre-partie adéquate que dans celle de l’autre. De Messine à Archangel, et de Calais à Moscou, ce qui donne le ton, c’est la civilisation de Paris ; les idées qui remuent les masses (je ne parle pas ici des aristocraties et des coteries savantes), lorsqu’elles viennent à les atteindre, sont des idées françaises. Traversez le détroit, et vous vous trouverez dans un autre monde, dans un monde où les idées françaises n’ont pas la moindre influence ; dans un pays qui, assurément, n’est pas moins

  1. On pensera peut-être en France que M. Arnold s’exagère le rôle que remplit l’Institut dans la direction et l’éducation de l’esprit public.