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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1890.djvu/217

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LA LÉGISLATION SCOLAIRE ET L’ÉDUCATION DE L’ESPRIT PUBLIC

puissant que la France, qui ne pèse pas d’un moindre poids que la France parmi les nations, mais qui doit cette puissance et ce poids à une cause différente, à sa faculté incomparable de s’agrandir et de fonder. Les deux peuples se ressemblent par leur profond sentiment national ; ils se ressemblent aussi par l’étonnement sincère qu’excite chez l’un la vue des défauts de l’autre. Un Anglais s’étonne que dans un empire qui se vante de sa civilisation, il ne soit pas permis aux journaux de dire ce qui leur plaît sur les affaires politiques[1] ; que le simple particulier ne puisse avoir de recours juridique contre le fonctionnaire qui dépasse ses pouvoirs ; qu’il soit privé de cette protection qu’offre en Angleterre l’Habeas Corpus contre l’emprisonnement arbitraire. Un Français, de son côté, s’étonne que, dans un empire qui se vante de sa civilisation, les fonds levés sur le peuple irlandais pour l’entretien de la religion servent à doter l’Église d’une petite minorité, pendant que l’Église de la grande majorité ne reçoit rien ; qu’au lieu d’être l’égal du reste de la communauté devant la loi, un noble qui commet un crime ne soit pas jugé par le même juge qu’un autre homme ; que, dans l’armée, en plein XIXe siècle, un officier achète sa charge.

À toutes ces ressemblances que j’ai appelées négatives, s’ajoute l’importante ressemblance positive déjà mentionnée que de toutes les nations civilisées l’Angleterre et la France sont sans comparaison restées les plus naturelles, ou que de toutes les nations non encore frelatées elles sont sans comparaison les plus civilisées.

À ces deux nations, semblables par la grandeur et constituées de telle sorte que l’éducation ne peut qu’augmenter leur puissance et leur valeur, quel est le système d’éducation offert par leurs gouvernements ? En France, c’est un système national qui, tout modeste qu’il soit, est tout ce qu’un gouvernement prudent peut chercher à rendre universel, un système qui établit un niveau d’instruction populaire peu élevé certainement, mais que la marée montante de la richesse et du bien-être général fera hausser inévitablement[2]. Et ce système est ainsi constitué que non

  1. La date à laquelle a été écrit le livre de M. Mathew Arnold se laisse encore reconnaître ici.
  2. En effet il devait hausser sensiblement quelques années plus tard, et non pas seulement sous la pression « de la marée montante de la richesse et du bien--