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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1894.djvu/492

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REVUE PÉDAGOGIQUE

un privilège en cette matière, ni qu’avec trois aunes de drap noir ou gris un chef de communauté puisse faire, en dehors du service public, un dispensé militaire. » Cette conclusion, venant après une discussion de doctrine très serrée, n’était certainement pas nécessaire pour faire repousser l’amendement de MM. Kolb-Bernard et Chesnelong ; mais on comprend que Victor Duruy, harcelé au dehors par les attaques du parti clérical, depuis qu’il avait prétendu, au grand effroi de Mgr Dupanloup, organiser l’enseignement secondaire des jeunes filles, ait senti la patience lui échapper et se soit départi de la gravité habituelle aux orateurs du gouvernement.

Il n’avait du reste rien d’officiel dans le tempérament ni dans le style, et sa correspondance avec les recteurs, avec les préfets, est pleine d’aperçus ingénieux, de vives saillies, surtout de pressantes recommandations, de fréquents appels au sentiment du devoir. Il ne se ménageait guère lui-même, et il n’admettait pas que les autres, si haut placés qu’ils fussent, oubliassent qu’ils étaient avant tout les serviteurs de l’Etat. Nulla dies sine linea, telle était sa devise. Chaque jour, une instruction nouvelle était adressée aux recteurs pour tout ce qui concernait l’enseignement, aux préfets pour tout ce qui était relatif au personnel. L’enseignement, il le voulait plus national et plus pratique ; le personnel, il le voulait mieux rétribué et plus honoré.

Nous énumérerons rapidement toutes les mesures qu’il a prises pour atteindre ce double résultat. Dès son arrivée au ministère, il adresse aux préfets un modèle de statuts pour l’établissement de sociétés de secours mutuels des instituteurs et des institutrices, et il leur signale, comme un exemple à imiter, le Comité de la Société de secours mutuels de la Seine, qui fait à ses membres une retraite annuelle de 300 francs. La création de ces sociétés était d’autant plus nécessaire que, lorsque Victor Duruy arriva au pouvoir, les pensions de retraite des instituteurs, en province, étaient de 40, 50 ou 60 francs au maximum. Il les éleva au taux uniforme de 75 francs en 1864 et de 95 francs en 1865. Dès le 19 mars 1866, dans une circulaire aux préfets, il constatait les heureux résultats de son initiative : 49 sociétés de secours mutuels existaient dans 44 départements, 23 s’étaient constituées depuis qu’il était ministre, et pour la seule année 1865 les ressources de ces sociétés avaient atteint 181,000 francs.