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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1894.djvu/497

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VICTOR DURUY

sentences morales, les grandes et fortes pensées que l’on y rencontre à chaque ligne. Nous les citerons au hasard, en choisissant de préférence celles qui ont rapport à l’éducation du peuple.

« Bien au-dessus du talent, de l’esprit et de la science, placez ce que tout le monde peut se donner la probité professionnelle. »

« Nous avons une éducation classique, ce qui est un bien, mais nous n’avons pas une éducation nationale. »

« L’argent dépensé pour les écoles sera épargné pour les prisons. »

« C’est parmi les enfants abandonnés à l’ignorance et au vagabondage que le crime lève plus tard sa dîme funeste. »

« La société moderne porte la lumière jusque dans les rangs les plus obscurs pour y découvrir le grand homme ou le citoyen utile, caché peut-être dans une intelligence qui s’ignore. »

« Il faut échapper à cette grande maladie de l’âme : le froid. »

« Une société est comme une immense pyramide : plus la base en sera large et solide, plus les assises intermédiaires en seront élevées et fortes, plus haut aussi la tête montera dans la lumière. »

« En France, l’honneur est la première des rémunérations. »

« Le progrès moral suit le progrès de l’intelligence. Défrichons les esprits c’est dans les terrains incultes que poussent les plantes inutiles ou nuisibles. »

Victor Duruy n’aura pas de monument funèbre sa modestie s’y est refusée. Ne pourrait-on lui rendre le plus délicat et le plus mérité des hommages en gravant ces pensées lapidaires sur les murs de nos écoles publiques ? Quelles belles leçons auraient sous les yeux les enfants du peuple, du peuple dont il était et qui a toujours eu les meilleures tendresses de ce grand cœur et de ce grand esprit !

« Je suis un des plus vieux soldats de l’université militante », disait Victor Duruy dans sa première allocution, celle qu’il adressait au Conseil impérial de l’instruction publique le 7 juillet 1863. Sept ans plus tard, parlant sans métaphore, hélas ! il nous écrivait : « Il faut se considérer comme un soldat commandé de bataille et aller au feu, sans penser à soi-même ». Les mauvais jours étaient venus avec la guerre. Victor Duruy, grand-officier de la Légion d’honneur, fit son devoir simplement, modestement. comme le devoir veut être fait, et après le siège il reprit ses études historiques que la politique avait interrompues. On sait quelles traces il y a laissées : l’administrateur s’est retrouvé l’un des premiers historiens de notre temps.

Cruellement atteint dans son patriotisme par les événements de 1870, Victor Duruy se réfugia dans le labeur acharné qui avait