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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1907.djvu/251

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À PROPOS D’UN LIVRE SUR ROME

juge de paix soit un pretore. L’éternité de Rome consiste à rester identique à elle-même sous la succession des formes.

Cela revient à dire qu’il y a dans Rome une vitalité supérieure à toutes les vicissitudes, et que l’histoire d’une telle cité n’est jamais close. Quand elle semblait près de succomber sous les invasions barbares, elle a reçu par le christianisme une nouvelle et puissante raison d’être. De même, lorsque la domination des papes eut cessé de faire sa grandeur, au moment où, appauvrie et dépeuplée, elle sentait la vie se retirer d’elle, l’avenir s’est rouvert devant elle une fois de plus, du jour où la nation italienne, unifiée et libre, la salua sa capitale. Rome n’est pas seulement une collection de monuments historiques : elle est une grande ville de l’Italie contemporaine, elle prospère et se développera.

M. Schneider n’a pas négligé de nous l’indiquer, et c’est peut-être un des mérites les plus remarquables de son livre. Trop souvent on est porté à visiter l’Italie comme un vaste musée, à n’y considérer que les gloires du passé, à ne pas jeter les yeux sur les œuvres présentes, ou à ne les voir que pour les juger laides et inopportunes. On fait halte aux vieilles petites villes mortes, comme Urbin et San Gimignano, que rien ne galvanisera plus ; on passe rapidement à travers Turin, qu’emplit un bourdonnement d’industrie et de commerce ; on ignore Livourne et son port où se rangent les vaisseaux anglais, allemands, russes et grecs. Et ces itinéraires sont légitimes, pour qui ne cherche en voyageant que son plaisir ou la satisfaction de ses curiosités esthétiques ; mais il faut ne rien laisser hors de son examen si l’on veut mettre dans un livre un jugement équitable sur l’Italie. Le temps n’est plus où l’on pouvait se contenter, comme Diderot le conseillait aux Jeunes peintres, de regarder les fruitières installées sous les débris des arcs triomphaux, et d’approuver en artiste l’effet du contraste ; où l’on se complaisait, avec Chateaubriand, à promener sur les plaines fiévreuses une mélancolie hautaine, en spectateur désintéressé.

L’Italie d’aujourd’hui, qui s’est acquis, si vite, une si belle place parmi les nations, et que l’on devine toute frémissante de