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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1911.djvu/522

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REVUE PÉDAGOGIQUE

aiguës, et hôte accueillant, charmeur, avec des prévenances exquises, et visiteur s’attardant avec plaisir dans une maison amie où on le recevait avec de la simplicité, de la joie, des égards ; bon, affectueux, serviable, avec une assez haute dose d’égoïsme ; facile, coulant, libéral, en même temps qu’entier et autoritaire ; hésitant, indécis, lent, avec une volonté indivertible ; admirateur de la tenue, la vraie, de la pureté, de la fidélité, et affectant le laisser aller, le mépris des conventions sociales, rabelaisien en paroles, volage ; demeuré enfant par certains côtés, et homme par tant d’autres ; artiste, avec le goût du pratique, du solide, du massif, appréciant surtout l’adaptation intelligente ou ingénieuse de l’objet à son usage, ennemi surtout du prétentieux, de l’ambitieux, du tourmenté ; ayant d’ailleurs le goût délicat, mais non sans quelques écarts que l’on peut relever même dans ses vers : épris de la sobriété grecque, goûtant l’ameublement rudimentaire des maisons japonaises, où un seul objet d’art en bonne place suffit à parer le logis, et ayant fait de ses divers pied-à-terre de laids capharnaüms où nul objet n’était mis en valeur, ce que d’ailleurs il regrettait parfois : appréciateur avisé de toute installation pratique, commode, confortable, et passant sa vie dans l’absence la plus complète de confort. Bref un chaos de contradictions, une psychologie extrêmement complexe et riche.

Quelles sympathies multiples ne lui conférait pas cette opulente diversité de nature ? On a admiré la pénétration de sa biographie de Burns, la souplesse avec laquelle il a su s’identifier à son personnage, épouser tous ses sentiments. Il y avait peut-être quelque parenté entre les deux génies, quoique le biographe extrêmement cultivé, affiné, soit en réalité bien loin du poète paysan. Et ici se présente une nouvelle antithèse. Angellier, qui a loué Burns d’avoir eu « le bonheur de ne pas recevoir d’éducation littéraire », n’est-il pas, lui, le produit d’une culture intense extrêmement variée et complète, et, sans vouloir nier, en quoi que ce soit, sa forte originalité, un écho presque génial de mille voix différentes ?

Il s’exprimait assez péniblement, d’abord, sans doute, parce qu’il n’avait pas, parmi ses nombreux dons, celui de la parole. ensuite, parce qu’il ne se serait guère résigné à parler comme tout le monde, enfin, et surtout, parce que, au lieu que ce fussent