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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1911.djvu/525

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AUGUSTE ANGELLIER PROFESSEUR

de s’assurer du sens initial du mot, sens unique la plupart du temps, sens du moins qu’il importe le plus de connaître lorsqu’on veut comprendre le texte d’un grand écrivain. Quant au classement de la citation sous telle ou telle acception, il nous apprenait à savoir n’en pas tenir compte, les lexicographes n’étant pas infaillibles. Combien avait-il raison !

Concordances, encyclopédies (il avait mis dans nos collections l’Encyclopaedia Britannica) dictionnaires techniques, tous les ouvrages de référence, Angellier, dans son souci de précision, voulait avoir tout sous la main. Il n’eût rien négligé de ce qui pouvait renseigner sur la civilisation anglaise. Par contre, il n’aurait pas volontiers envisagé une œuvre littéraire comme un simple témoin d’un état de civilisation.

Il arrivait au cours sans savoir bien quel passage de Shakespeare on allait expliquer, mais il ne se passait guère d’année que, de son propre aveu, il ne relùt son Shakespeare. Et si, pour le relire en voyage où à la campagne, l’édition la moins savante, mais la plus portative, lui convenait, il tenait, au cours, à avoir sous les yeux une édition variorum comme celle de Furness, une reproduction de l’in-quarto ou de l’in-folio primitif.

Le merveilleux commentateur de Shakespeare ! Ses élèves se rappelleront certaines séances où le grand génie dramatique semblait revivre en Angellier. Sinon quand j’étais étudiant, du moins alors que, son collègue, j’assistais, quand je le pouvais, à ses leçons, je me rappelle le frisson d’enthousiasme qui me saisit parfois à la soudaine révélation d’un sens que nul des commentateurs n’avait pénétré jusque là et qui s’imposait avec la force de l’évidence. C’étaient là des fêtes de l’esprit. Elles n’étaient pas journalières, certes ; mais aussi la matière ne pouvait journellement y prêter. Il a souvent regretté de n’avoir pas recueilli ses élucidations de Shakespeare, ayant conscience de leur prix. C’est une grande perte en effet. Certains de ses élèves ont songé à réparer cette négligence. C’est tentant, mais bien dangereux. On trahit quelquefois ceux qu’on voudrait servir. De plus, la vérité, dès qu’elle est découverte, apparaît tellement simple que ceux qui n’ont pas eu la peine de la chercher sont surpris de l’embarras que l’on fait à la proclamer. Il faudrait aussi tenir compte de sa vive imagination de poète, qui, parfois, il faut le