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Page:Revue pédagogique, second semestre, 1911.djvu/526

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REVUE PÉDAGOGIQUE

reconnaître, le mena un peu loin. Et il n’est plus là pour nous dire ce qu’il maintiendrait comme définitif, et ce qu’il ne considérerait que comme plausible et conjectural. Il faut regretter que ces leçons — car avant tout ce furent des leçons et c’est là leur grand mérite, primant de beaucoup l’intérêt de l’élucidation de tel ou tel passage — n’aient pas eu leur Boswell, qui en ait rendu fidèlement et vivement la physionomie. Et encore il y manquerait cet élément capital, l’élément personnel. Enfin, et surtout, l’œuvre du professeur, c’est d’avoir formé des élèves. À eux de témoigner par la bonté de leur enseignement ou de leurs travaux, l’excellence des leçons du maître.

Sur ces séances d’explications se greffaient de précises leçons de littérature. Dans un passage d’interprétation difficile, diverses conjectures s’offrent, qu’il faut examiner. C’est là qu’il importe de connaître le genre d’imagination, la pensée particulière de l’auteur. Aussi était-ce là qu’Angellier plaçait ses jugements et nous initiait à la pensée, à l’imagination d’un Shakespeare, d’un Shelley, d’un Herbert, d’un Browning, d’un Meredith. C’était sur les textes que, à l’occasion des rencontres, on avait des jugements sur l’originalité de l’auteur, sur l’étendue de son génie et ses limitations. Son étreinte ferme et sûre saisissait toujours l’essentiel. Il le caractérisait en termes concrets, précis, frappants. {1 avait, pour être tout à fait impartial, ses moments d’indolence. Il fallait voir ses élèves s’ingénier pour l’amener à « plonger », comme ils disaient ! Ces souvenirs évoquent de belles heures.

Je retrouve, dans mes papiers, un écho d’une de ces séances. C’est une sorte de digression, d’illustration plutôt, que J’ai copiée sur les notes d’un de ses plus fervents disciples. Je la donne telle quelle dans sa brièveté sténographique :

« La chapelle des Espagnols à Florence. Quatre grands panneaux, quatre grandes fresques par Giotto. — Voyez le caractère encyclopédique de la peinture de ces gens-là : entre leurs mains elle jouait le rôle du drame entre les mains de Shakespeare, du roman entre les mains de Balzac ; la peinture était pour eux un moyen d’exprimer la vie, toute la vie : ils la pénétraient tout entière. On ne comprend bien ce que c’est que la peinture, ce dont elle est capable, que lorsqu’on a vu ces