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sité, il a recours à un argument extrêmement fin et judicieux. Le timbre, dit-il, est dû, ainsi que l’a démontré Helmholtz, à la combinaison avec la note fondamentale des notes consonnantes vibrant avec certaines intensités relatives. Or, si les intensités des sons perçus suivaient une loi logarithmique, si, lorsqu’elles augmentent, les sensations correspondantes croissaient de moins en moins vite, le timbre d’un instrument varierait pour notre oreille dans les forte ou les piano, dans l’éloignement ou le voisinage. Et voyez, ajoute M. Hering, que d’inconvénients dans la pratique !

Je ne puis qu’applaudir à la finesse de cette argumentation, et c’est avec peine que je vois ici encore intervenir la finalité. C’est même cette addition qui me fait douter de la justesse absolue de l’observation. Sans doute la vie réelle nous réserverait des surprises étranges et parfois désagréables si, grâce aux perturbations introduites par la loi logarithmique, les hurlements d’un animal féroce entendus de loin nous faisaient l’effet d’un chant d’oiseau. Pourtant, au bout de quelques pas, je soupçonnerais l’erreur. Si même dans l’éloignement je distingue l’aboiement d’un chien et le cri d’un coq, cependant cette distinction est de moins en moins certaine à mesure que le son s’affaiblit, et si ces cris se produisaient tout près de mon oreille, ils pourraient être tellement assourdissants que je serais disposé à confondre l’un avec l’autre. Est-il bien sûr d’ailleurs que le timbre ne se modifie pas, et que, si nous parvenons à le reconnaître quand même, ce ne soit pas parce que nous nous sommes exercés à tenir compte de l’éloignement et des autres causes perturbatrices, de la même manière que nous reconnaissons la couleur des objets à travers tous les degrés de clarté, à travers les teintes de la lumière ambiante, ou de la surface réfléchissante, et même d’une vitre colorée que nous plaçons entre eux et notre œil ? Tout ceci soit dit en dehors d’autres arguments que je ferai valoir plus tard, et sans méconnaître en aucune façon tout ce que l’objection a de sérieux et de grave.

Pour ce qui regarde la tonalité où la loi logarithmique intervient si visiblement qu’elle a été découverte dans l’antiquité la plus reculée, je ne puis à aucun degré souscrire à ce que dit M. Hering. Il veut enlever a Fechner le bénéfice de cette application. Selon lui, le nombre des vibrations n’est pas perçu par l’oreille comme nombre, et, par conséquent, peu importe que les mêmes différences de hauteur dans l’échelle des tons correspondent à de mêmes rapports numériques entre les vibrations exécutées dans le même temps par le corps sonore. Où donc a-t-il jamais été dit que nos sens doivent apprécier les causes excitantes extérieures dans leur essence abso-