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ANALYSES. — h. spencer.Principles of Sociology.

-ce point là une contradiction ? Vit-on jamais un naturaliste protester par exemple au nom de la main contre la tyrannie du cerveau ?

Pour nous, rien ne prouve mieux que cette contradiction entre le système de l’auteur et ses convictions morales et politiques, la nécessité non pas de renoncer à son système, mais de l’agrandir. Le déterminisme exclusif ne permet pas de juger, de blâmer surtout, la marche de l’histoire ; mais seulement de l’expliquer. On ne peut parler de droits personnels que si on reconnaît un idéal rationnel, un type moral d’organisation politique, susceptible d’être pris pour critérium et digne d’être proposé comme fin. Mais alors, loin de reprocher à Comte d’avoir gâté son assimilation de la société au corps vivant, en croyant possible une modification rationnelle de l’organisme social, il faudrait au contraire proclamer plus haut que lui la plasticité, évidente quoique limitée, de cet organisme, et reconnaître qu’il peut y avoir une orthopédie des sociétés comme des individus.

En voilà assez pour faire bien comprendre ce que sont ces Inductions de la sociologie, par où elles valent, et en quoi, selon nous, elles pèchent. Nous ne pouvons insister davantage sur les mille détails intéressants que l’auteur excelle à grouper autour de ses idées maîtresses. Le lecteur verra comment il retrouve dans une société d’ordre supérieur, outre le système nerveux cérébro-spinal dont nous venons de parler (gouvernement proprement dit), un système nerveux grand-sympathique, présidant à la vie intérieure (organisation industrielle et commerciale), et jusqu’à un appareil vaso-moteur (les établissements de crédit), faisant affluer les capitaux de toute sorte aux points précis où un surcroît d’activité les réclame. Un curieux essai de classification des sociétés, d’après leur degré de simplicité ou de composition, d’après leur caractère dominant, etc., une rapide esquisse des « métamorphoses sociales » sous l’influence des circonstances ; enfin la prédiction d’une décadence certaine à toute société qui n’a plus assez de souplesse pour s’adapter aux changements de son milieu, — terminent cette deuxième partie. La conclusion générale est que la formule de l’évolution s’applique aussi exactement en sociologie qu’en biologie, savoir ; « a progress towards greater size, cohérence, multiformity and definiteness. » — On est ainsi en possession des grandes lignes d’une « sociologie empirique. » Les phénomènes sociaux apparaissent dès lors soumis comme tous les autres à des lois fixes (a gênerai order of coexistence and sequence), c’est-à-dire susceptibles d’être connus scientifiquement et, dans une certaine mesure, déductivement.

Avec la Troisième Partie, commence donc la « synthèse » des phénomènes sociaux. Ce que nous en avons traite des Relations domestiques. — Quel est le but ? la conservation de l’espèce. Quel est l’idéal ? C’est que le salut et l’avenir de l’espèce soient assurés le mieux possible, avec le moins de préjudice et le plus de bonheur possible pour les parents, enfin de la manière la plus favorable qu’il se peut à l’évolution politique. Voilà le critérium d’après lequel M. Spencer juge et