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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, V.djvu/99

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ANALYSESgrant allen. — Physiological Aesthetics.

l’ouïe et de la vue sont excités par fibres isolées, tandis que les nerfs des sens inférieurs sont excités par masses. Chacun des éléments nerveux chez les premiers est donc susceptible d’une fatigue et d’un plaisir distincts ; en sorte que la sensation peut y être indéfiniment renouvelée, au lieu que chez les seconds l’activité, étant générale, exige au bout de peu de temps une réparation prolongée. Secondement, les organes des sens supérieurs sont préservés de tout contact direct avec les objets, ils ne reçoivent les impressions qu’à travers un milieu qui les amortit et, de plus, leurs nerfs sont assez profondément situés pour n’avoir à redouter aucun choc. Leurs changements d’état ne sont donc que des vibrations et stimulations délicates ; ils ne sont pas accessibles au déchirement et à la désagrégation des tissus ; « ils sont donc éminemment propres à ces légères distinctions intellectuelles qui sont l’une des marques auxquelles nous reconnaissons les sentiments esthétiques des autres plaisirs et des autres peines » (p. 100).

Il faut cependant que ces sentiments rentrent sous la loi commune de toute émotion. Voici comment ils le font, l’ouïe la première. — Quand un corps est en vibration ou en oscillation, et qu’un choc vient le frapper au moment précis où il commence son élan, son impulsion en est accrue. Si au contraire le choc atteint le corps à un autre moment, surtout au moment où le pendule par exemple revient dans le sens opposé, après avoir atteint le plus haut point de sa course, l’impulsion sera diminuée, et le mouvement sera ralenti. M. Grant Allen suppose que les nerfs de l’oreille sont en vibration continuelle : quand les vibrations de l’air favorisent les leurs et s’ajoutent à elles, elles sont sympathiques, il y a plaisir ; quand au contraire ces vibrations empêchent les leurs et contrarient leur mouvement, elles sont antipathiques, il y a déplaisir. Poussé à l’extrême, ce déplaisir deviendrait une souffrance. C’est ce qui arrive pour la plupart des bruits. Quand un corps est frappé une fois, les ondes excitées sont irrégulières ; quand il est mis en vibration continue, les ondes se régularisent. Dans le premier cas on a un bruit, dans le second, un son musical. Comme, de plus, les fibres qui perçoivent les bruits sont plus fréquemment excitées que les fibres qui perçoivent les sons musicaux, celles-ci sont plus abondamment pourvues de force nerveuse et leur vibration entraîne relativement une moindre dépense. Les vibrations des bruits intenses nous montrent donc le déplaisir du sens auditif poussé à l’extrême, et il n’est pas étonnant qu’ils déterminent une véritable souffrance. L’organe peut en être altéré à la longue ; c’est ainsi que les artilleurs deviennent sourds. On le voit, les émotions agréables sont bien dues à l’exercice normal de l’organe, et les émotions désagréables à un commencement d’altération de ses parties essentielles.

La théorie des dissonances conduit à la même conclusion. Si en effet « deux séries d’ondes simples sont produites par la sirène, il se rencontre que dans certains cas les ondes s’interfèrent mutuellement, de telle sorte que tantôt elles se renforcent, tantôt elles s’affaiblissent l’une l’autre. Helmholtz a expliqué que ces sons alternés de silences rela-