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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/19

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compayré. — la psychologie de lamarck

Le système nerveux est donc la racine, le principe des diverses facultés généralement attribuées à l’âme. La première question qui se pose est par conséquent celle-ci : Comment la nature a-t-elle procédé à la production, au perfectionnement de la substance nerveuse ? Avec son intrépidité habituelle, Lamarck n’a point reculé devant le problème de l’évolution du système nerveux, problème qui n’est pas moins intéressant pour ceux qui, comme nous, ne voient dans la matière nerveuse qu’un instrument de l’âme, que pour ceux qui la considèrent comme la cause même des phénomènes moraux. M. Herbert Spencer, qui le discute avec éclat dans ses Principes de psychologie, a repris, en les fortifiant, quelques-unes des idées originales de Lamarck[1].

Les débuts de l’explication ne sont guère satisfaisants : c’est que la première origine est toujours le point délicat. « Lorsque la nature eut fait faire assez de progrès à l’organisation animale pour que le fluide essentiel des animaux fût très-animalisé… » Cet exorde ne rappelle-t-il pas les tautologies les plus divertissantes de la vieille science ? Quoi qu’il en soit, à un moment ou un autre de son évolution, la nature déposa dans certaines parties du corps, d’abord sous la forme de petites masses, plus tard sous celle d’une masse centrale allongée en cordons noueux, la matière albumino-gélatineuse, que le sang avait sécrétée. En même temps, le tissu cellulaire fournissait à cette masse, et aux filets qui la prolongent, la gaîne qui les enveloppe. De plus, à mesure que l’organisation animale se compliquait, un fluide d’une espèce particulière, invisible et subtil, se dégageait lui aussi du sang, pour se répandre dans les masses médullaires nerveuses, éminemment conductrices de ce fluide, c’est-à-dire propres à la recevoir et à lui permettre de se mouvoir avec facilité. C’est ce fluide qui par ses mouvements a amené la diffusion, le prolongement continu, les ramifications de plus en plus vastes de la substance nerveuse. Ayant ainsi laborieusement rendu compte de la première formation du système nerveux, Lamarck n’est point en peine pour en expliquer l’agrandissement et le progrès. Il invoque pour cela la grande loi de l’exercice. Plus un organe est employé, plus il se développe. Ainsi, la moelle épinière étant affectée à l’excitation des mouvements musculaires, tandis que le cerveau et ses hémisphères sont destinés à produire les actes du sentiment et ceux de l’intelligence, il en résulte que, chez l’homme qui pense, les masses cérébrales croîtront dans des proportions considérables ; tandis « que les poissons, par exemple, qui ne s’exercent guère qu’au mouvement

  1. Voir Herbert Spencer, Principes de psychologie, tome i, cinquième partie, traduction de MM. Ribot et Espinas, p. 553 et suivantes.