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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/209

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analyses. — hess. Dynamische Stofflehre.

ralement infini, non-seulement dans le tout, mais encore dans la moindre portion du monde. M. Hess semble avoir compris qu’un nombre infini est chose contradictoire, et qu’aucune réalité donnée ne saurait être infinie. « Toute existence, dit-il, est limitée dans le temps et dans l’espace, commence et finit. »

Selon la tendance naturelle de tout dynamisme, surtout du dynamisme moniste, M. Hess pose ensuite, comme loi universelle, l’évolution. Cela est dans la logique de son système et en complète la physionomie. « Le spiritualisme, dit-il, ayant commencé par séparer à tort ce qui est uni dans la nature, demande ensuite comment la vie a pu sortir de ce qui est sans vie, la pensée de ce qui est sans conscience ; » mais c’est une pétition de principe provenant d’un « préjugé que nous a légué l’époque paléontologique de la vie sociale. » D’un œuf microscopique sort un homme avec le germe de toutes les qualités intellectuelles et morales : on ne voit rien là que de naturel ; il ne l’est pas moins que des mondes, des organismes et des êtres pensants, aient pour point de départ de leur développement des centres cosmiques d’actions et de réactions. Ces centres de force « sont aussi des germes ». Seulement l’évolution d’un individu est un fait d’expérience, et il est visible pour tous qu’il n’y a là qu’une même vie se reproduisant et repassant toujours par les mêmes phases ; tandis que la vie totale (tour à tour cosmique, organique et sociale), n’accomplissant pas son cercle sous nos yeux, il est plus difficile d’y reconnaître des phases diverses d’une vie unique se reproduisant, elle aussi. — M. Hess se propose précisément de retracer en ses principaux traits le cours circulaire de la vie universelle.

Son entreprise rappelle par là celle de Moleschott (Der Kreislauf des Lebens ; — Die Einheit des Lebens) ; et il n’échappe à personne que sa théorie implique ce qu’on appelle la génération spontanée, thèse qui passe pour essentiellement matérialiste. Mais voir en lui pour cela un matérialiste, ce serait aller d’abord contre ses dénégations expresses, et méconnaître ensuite le véritable esprit de sa doctrine. De même qu’il se sépare de Spinoza par son refus formel d’admettre une substance indéterminée et infinie, et professe, à l’encontre des panthéistes ses maîtres, un phénoménisme décidé, de même il y a un abîme entre lui et les matérialistes, parce que, loin de faire naître la vie et la pensée du sein d’une matière brute, il met tout d’abord au fond de tout la pensée et la vie. On pourrait même dire qu’en fin de compte sa doctrine un peu pressée se trouve être un idéalisme, car s’il n’y a que des phénomènes, comme un phénomène ne peut nous être donné qu’à l’état de représentation, il s’ensuit qu’en dernière analyse c’est la pensée, et non la chaleur ou la pesanteur, qui est le phénomène « fondamental. »

Mais il ne faut pas presser outre mesure une théorie dont la prodigieuse étendue rendait presque impossible le rigoureux agencement des parties, quand même l’auteur eût eu des années pour l’achever. À