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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/296

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NOTES ET DOCUMENTS


SUR LES LAPSUS DE LA VISION


Tout le monde connaît par expérience les lapsus linguæ et les lapsus calami ; la famille des lapsus comprend d’autres espèces encore : ainsi les coquilles des imprimeurs, qui sont une sorte de lapsus digitorum, et les fautes des copistes, dont la théorie a été faite par les philologues pour les besoins de la critique des textes. Il y a aussi des lapsus memoriæ et des lapsus oculorum ; ces deux variétés n’ont pas été, que je sache, étudiées jusqu’à présent.

Ces derniers présentent une particularité qui leur donne un intérêt spécial. Les visa sont essentiellement étendus d’une étendue superficielle ; le lapsus peut-il porter sur l’élément formel du visum ? L’état de distraction et la rapidité de la vision peuvent-ils induire en erreur notre faculté d’intuition sur les dimensions superficielles d’un objet ?

A priori, la chose paraît invraisemblable, si du moins on admet les propositions suivantes :

— Une erreur de localisation suppose que la localisation est secondaire et non primitive, non donnée à l’esprit avec l’objet, mais ajoutée par l’esprit à l’objet en vertu d’associations d’idées antérieures ;

— Or les deux premières dimensions sont données avec les visa, la troisième ajoutée par l’esprit comme interprétation de certaines particularités accessoires de la vision.

D’où il résulterait que toute erreur dans la localisation des visa doit porter sur la troisième dimension, aucune sur les deux premières.

J’ai noté quelques lapsus oculorum qui peuvent paraître à première vue contraires à cette conclusion, car ils semblent contenir des erreurs sur la dimension superficielle des objets visibles. Celui que je vais citer me paraît propre à faire voir qu’il n’en est rien en réalité et à montrer le véritable mécanisme de ce genre de phénomènes.

Je me trouve sur une place de Bordeaux ; quittant quelques amis, je fais une volte-face rapide, durant laquelle mes yeux rencontrent une