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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/439

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analyses. — hanslick. Du Beau dans la musique.

spécifique à la musique, ce qui la distingue des autres arts. C’est là ce que crée le vrai compositeur, ce qu’exécute le vrai musicien, à la fois artiste et musicien, ce que goûte avant tout le connaisseur, non le profane qui cherche dans la musique autre chose que la musique et les plaisirs qu’elle procure : « Les sons et leurs combinaisons artistiques, leurs rapports bien ordonnés, voilà l’élément primordial » (p. 47).

« Que contient donc la musique ? pas autre chose que des formes sonores et mouvementées » (p. 48). Voilà le théorème. Comment notre auteur s’y prend-il pour le démontrer ? Sa méthode, on avouera, est peu scientifique. C’est encore à l’analogie qu’il a recours. Le procédé peut être ingénieux, mais il manque de rigueur et n’établit rien de solide. On en jugera : « La manière dont la musique peut nous offrir de belles formes, sans avoir pour sujet un objet déterminé, trouve une analogie et une démonstration frappantes dans une branche de la sculpture d’ornement, l’arabesque. Là, on voit des lignes qui paraissent vibrer, tantôt se rapprochant insensiblement, tantôt s’éloignant et se relevant d’un bond hardi, se quittant, se retrouvant dans de grands et de petits arcs, infinies, à ce qu’il semble, mais toujours parfaitement coordonnées, etc. » (Ibid.) « Ainsi, la musique ressemble à une arabesque non pas sans vie et sans mouvement, mais s’animant devant nos yeux dans une sorte d’autogénésie continuelle ». (Ibid.) Si c’est là de la science, ce n’est guère son langage, qui est bien plutôt ici celui de l’art et de la poésie.

Plus loin, la musique est aussi « un kaléidoscope, placée à une hauteur incomparablement plus élevée sur l’échelle des phénomènes. »

Sauf l’autogénésie empruntée à la science, mais qui n’apprend rien, ce sont là des métaphores qui peuvent plaire à l’imagination, mais n’offrent à l’esprit rien de précis, pas plus que le « clavier des couleurs », que « l’orgue oculaire ». On est mal venu, après cela, de parler de science et d’accuser les esthéticiens de n’avoir pas voulu reconnaître la musique pure, d’avoir trop « rabaissé le sensuel au profit du moral et du sentimental », comme l’a rabaissé Hegel au profit de l’idée, etc.

On voit quelle est la méthode de l’auteur. On croit qu’il va définir son beau musical. Au lieu de cela, il donne des comparaisons et procède par analogie. « Il est difficile, dit-il, de le définir » (p. 50). Soit ; encore fallait-il le tenter. On a beau répéter : La beauté est exclusivement dans les formes. C’est ce que dit et répète une certaine école (celle de Herbart). Il fallait essayer de le prouver au lieu de nous payer de métaphores.

Ces formes d’ailleurs, que sont-elles ? des formes vides ? — Non, dit l’auteur, mais « parfaitement remplies ». Mais de quoi ? est-ce d’idées ? Alors la musique exprime quelque chose. Elle exprime l’esprit, la vie de l’esprit, et voilà notre auteur devenu tout à fait hégélien. Mais on ne scinde pas l’esprit en deux parts ; il n’y a pas l’entendement d’un côté, le sentiment de l’autre. On ne le divise pas ainsi par tranches pour en donner un morceau à la musique et le reste aux autres arts.