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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/465

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dastre. — le problème physiologique de la vie

vite brutale à l’activité vitale et de là à l’activité psychique. La force physique, la vie, l’âme ne seraient dans ce système que des combinaisons de plus en plus élevées de l’activité consubstantielle immanente aux atomes matériels. Ces trois complexus n’ayant pu être encore résolus par la science en leurs éléments communs, c’est-à-dire en termes de matière et de force, nous les considérons, par une illusion provisoire, comme irréductibles entre eux, et nous en faisons des catégories distinctes, des objets indépendants, des principes particuliers. La vie nous paraît distincte de la force physique, et la pensée de la vie, comme le verre paraissait distinct aux anciens Chaldéens du sable et du sel avec lequel ils le formaient, ou comme l’eau se distingue aux yeux des modernes de l’oxygène et de l’hydrogène qui la constituent. Pour être d’un degré plus haut, la difficulté est la même dans tous ces cas ; c’est la difficulté de comprendre ce que l’arrangement des choses peut introduire de nouveau dans leur aspect, ce que la combinaison peut avoir de rapports avec ses éléments. Pour l’atomiste, il n’y a rien dans la combinaison qui ne soit dans l’élément : pour le philosophe aristotélicien au contraire, il n’y a plus rien de l’élément dans la combinaison : celle-ci est hétérogène avec celui-là : l’arrangement est essentiel, la forme est tout. Quoi qu’il en soit, M. Chauffard, en confondant ensemble l’activité de l’âme et l'activité du corps, côtoie de bien près ce précipice du matérialisme, qui lui inspire pourtant une sorte de dégoût vertigineux.

Et cependant, de l’autre côté de la route, il aperçoit les fondrières de l’ancienne médecine spiritualiste, dont il faut aussi se garder. Le spiritualisme a toujours relégué les causes hors des objets : historiquement, on pourrait peut-être dire que c’est cette tendance qui le caractérise. Les systèmes spiritualistes en biologie, l’animisme, le vitalisme, font régir les phénomènes vitaux par un principe distinct de la matière universelle et des forces naturelles, extérieur au corps vivant, indépendant de sa substance, lié à elle temporairement. La vie est l’ensemble de ses actions, l’histoire de ses faits et gestes ; la mort est sa séparation d’avec le corps qu’il quitte, non peut-être sous la forme d’un papillon, comme le voulait l’heureux génie des Grecs, mais d’une manière tout aussi réelle, quoique moins sensible. L’anima, la Psyché, la force vitale travaillent, pour ainsi dire, avec des mains humaines ; elles sont placées dans le corps vivant « comme un pilote sur le vaisseau », comme l’ouvrier ou l’artiste en face du marbre ou de l’argile. Cette tendance à personnifier la cause vitale est infiniment naturelle, car nous n’avons pas d’autre image claire d’une cause que celle qui nous est offerte par la personne humaine ; nous trouvons seulement en nous-même, dans notre