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volonté libre ou supposée telle, dans notre activité, le prototype de la cause. L’idée de force, séparée de l’idée de force vive, c’est-à-dire de mouvement, serait pour beaucoup de savants une personnification du même genre. Les vitalistes du moyen âge, les Paracelse, les Van Helmont avaient multiplié, sous le nom d’archées, ces personnifications, dont on retrouve quelque trace dans les propriétés vitales d’auteurs plus modernes, fantômes que Claude Bernard aimait à comparer aux nymphes, aux dryades et aux sylvains de la mythologie.

Notre temps repousse ces fictions ; il les-condamne en elles-mêmes et pour leurs conséquences. Toutes ces personnifications, toutes ces doctrines anthropomorphiques paralysent la marche de la science. Ce sont des doctrines paresseuses, stérilisantes, qui, nous montrant les phénomènes à travers l’image d’un principe, nous détournent de les étudier en eux-mêmes. Ces entités, ces archées, ces âmes sont par trop commodes, comme le faisait observer finement Charles Bonnet. « Elles sont toujours prêtes à tout. Nous pouvons en toute confiance leur attribuer ce qui nous fait plaisir, puisqu’il est impossible de démontrer qu’elles ne peuvent pas faire ce que nous disons. » M. Chauffard les écarte résolument. Voilà en effet « les alliages laissés par la domination corruptrice des systèmes », et dont M. Chauffard veut débarrasser, épurer la médecine traditionnelle. — Il exorcise ces fantômes, il rejette ces êtres imaginaires, ces personnifications toujours présentes, ces fictions ontologiques qui se mouvraient devant nous, remplissant continuellement la scène. « On ne viendra plus nous accuser, dit-il, de superposer à l’organisme une entité métaphysique surnaturelle : nous sommes plus ennemi de ce genre de superposition que nos adversaires eux-mêmes, car ces entités superposées sont la négation absolue de la cause vivante telle que nous le comprenons. »

Comment donc M. Chauffard comprend-il la cause vivante ? Quelle conception va-t-il nous offrir après qu’il a repoussé toutes celles que la féconde imagination des philosophes a successivement créées ? Il a vu le vice de chaque système : aucun ne lui paraît acceptable. Il ne veut point placer la cause vitale hors de l’organisme, comme faisaient les écoles spiritualistes, les animistes et les vitalistes : d’autre part, il ne veut pas confondre, à la manière des matérialistes, l’ordre (les causes avec l’ordre des faits, la cause vitale avec la matière vitale. Quelle alternative reste-t-il donc ? Ne comprenant la cause vitale ni à la façon du matérialisme moderne ni à la façon du spiritualisme ancien, il n’y a plus d’autre ressource que d’écarter cette cause première, raison supérieure des phénomènes vitaux, pour se