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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VI.djvu/525

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analyses. — guyau. Morale d’Épicure.

cauld, de Spinoza même, d’Helvétius, de La Mettrie, de d’Holbach, de d’Alembert et de Volney, comme aussi dans celles de l’école anglaise, Bentham, Stuart Mill, Darwin, Herbert Spencer. S’il est en effet une idée qui inspire tout cet ouvrage et qui soit comme l’âme même de sa méthode, c’est l’idée de révolution ou du progrès.

Dans un remarquable avant-propos, M. Guyau distingue deux méthodes d’exposition des systèmes. L’une, trop fréquemment employée jusqu’ici, non-seulement en Allemagne et en Angleterre, mais surtout en France, traite tous les systèmes comme autant de choses mortes qu’il s’agit de disséquer selon des règles fixes et par des procédés uniformes. « On les dresse plus ou moins d’après le même plan, on pose à chaque auteur une série de questions toujours les mêmes sur les points principaux auxquels on a réduit d’avance toute la philosophie, » et, recueillant ses réponses, on obtient ainsi un résumé, une table des matières de ses doctrines. À cette méthode de dissection ou « d’anatomie », M. Guyau oppose ce qu’on pourrait appeler dans le sens strict du terme une méthode de régénération, ou, comme il dit lui-même, « d’embryogénie, » celle qui engendre, pour ainsi dire, à nouveau les systèmes et, leur rendant le mouvement et la vie, les fait repasser par tous les degrés de leur développement primitif. Seule, cette méthode fait de l’histoire de la philosophie une œuvre de science et d’art tout à la fois : « de science, en tant qu’elle étudie la pensée et ses lois, c’est-à-dire la vie dans sa manifestation la plus élevée ; d’art, en tant qu’elle s’efforce de reproduire cette vie intellectuelle en son activité et sa plénitude. »

M. Guyau, avant d’appliquer lui-même à l’histoire de l’épicurisme cette belle et difficile méthode, essaye de nous en découvrir les secrets. Le premier, le plus important, c’est qu’il faut chercher et saisir l’idée maîtresse de chaque doctrine, celle qui en est le point central et lui donne son caractère personnel, son unité et sa vie, la mettre en relief, et éclairer pour ainsi dire, à sa lumière, toutes les parties du système. Une fois en possession des principes, l’historien peut reconstituer l’ensemble de la doctrine, comme le psychologue et le romancier construisent un caractère : il lui suffit pour cela de déduire de l’idée maîtresse toutes les conséquences qu’elle enferme et qui en sont progressivement sorties sous une double influence, d’abord celle de « la réflexion intérieure qui, telle ou telle idée féconde une fois donnée, tend à la développer dans le sens de la stricte logique » ; puis celle du milieu historique où elle est née et que révèle l’analyse des textes, milieu résistant qui, par les obstacles mêmes qu’il oppose à la marche de la pensée, accroît son énergie et sa souplesse, et la force à infléchir ou à multiplier ses voies.

On pourrait comparer cette méthode à celle que M. Zeller assigne à l’histoire de la philosophie (voy. Revue philosophique, 1877, t. IV, p. 142). L’illustre historien de la philosophie grecque veut, lui aussi, que, dans la recherche de l’organisation interne des systèmes, on se préoccupe