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penjon. — la métaphysique phénoméniste en angleterre

sont pas en effet la philosophie elle-même, mais plutôt une préparation : elle n’est pas encore organisée, elle est à peine dans l’enfance. Le moment n’est pas éloigné, cependant, où cette organisation lui sera donnée, où les philosophes de toutes les écoles reconnaîtront un principe commun. Mais il faut songer qu’elle n’a pas pour objet, comme les sciences physiques, les choses qui tombent sous les sens. Ses théorèmes ne se composent pas seulement de pensées sur les choses, mais de pensées sur les pensées des choses, de représentations pures, et les systèmes ne doivent pas dès lors être méprisés ; ils servent à la vérification des tentatives philosophiques, comme l’observation et l’expérience servent à la vérification des théories scientifiques. La philosophie commence où la science finit.

Par exemple, la loi de la gravitation, qui exprime un fait général du monde des choses elles-mêmes, se vérifie par un examen ou l’observation directe de ces choses. Cette même loi devient en philosophie l’objet d’une étude plus profonde, devient alors philosophique au lieu d’être simplement scientifique. Pour la vérifier sous cette forme nouvelle, il ne faut plus observer les faits : il faut comparer le théorème philosophique avec la loi scientifique. En un mot, tandis que les sciences ont pour objet de découvrir des faits, la philosophie a pour but d’éclaircir les idées.

Mais ce n’est pas là son unique objet, et elle ne se borne pas non plus à coordonner les sciences et à codifier, selon l’expression d’A. Comte, les lois de la nature. Elle a encore pour fonction d’analyser certaines notions que les sciences prennent pour point de départ, au delà desquelles elles ne remontent pas. La mécanique rationnelle, par exemple, a pour notions ultimes celles de masse et d’énergie potentielle et cinétique. La géométrie, l’arithmétique et l’algèbre, de leur côté, s’arrêtent aux notions abstraites de nombre, de quantité, de continuité, de discontinuité et de figure. Il en est de même de l’idée abstraite de mouvement, qui enveloppe les idées plus abstraites encore de temps et d’espace et sert, sans plus ample examen, de principe dans les sciences. Les savants se contentent de définir ces notions ; ils n’ont pas à les analyser ; ils peuvent raisonner en toute sûreté sur ces définitions et en faire les fondements de leurs recherches. Ce n’est pas à dire que l’on ne puisse les considérer elles-mêmes comme autant de déductions de généralités plus hautes et les ramener à de plus profondes abstractions. Mais pour atteindre à ce plus haut degré de généralisation, d’abstraction, ce n’est plus des choses concrètes, des objets de l’expérience, qu’il faut partir ; c’est des notions elles-mêmes que la science a déjà formées en prenant pour point de départ ces objets et en les présentant eux-mêmes sous