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analyses. — mayr. — Geschichtsauffassung der Neuzeit

des retours circulaires familière à Platon et aux Stoïciens, d’après laquelle les mêmes phases d’organisation et de gouvernement politiques reparaissent dans le même ordre à des intervalles inégaux. La théorie de la dégénérescence relevant en propre de préjugés et de sentiments théologiques, c’est aux efforts de la pensée indépendante des modernes que M. Mayr fait honneur, avec raison, d’avoir identifié les mots histoire et progrès.

L’appréciation louangeuse que fait notre auteur de la théorie du hasard d’après Démocrite et Epicure jette une grande clarté sur sa propre conception des choses. « Ces mots Nécessité et Hasard peuvent-ils bien rimer ensemble ? se demande-t-il. Oui certes : mais hasard et finalité, au sens de prévision, d’idée immanente, d’évolution logique et raisonnée du monde, s’excluent. « Dans le monde réel, où il n’y a rien que de fortuit, dit Schopenhauer, chaque événement est nécessaire par rapport à ses causes : il est fortuit au regard de tout le reste, des particularités de temps et d’espace avec lesquelles il coïncide. » La chose est si simple, qu’elle se passe de commentaires. La nature et l’histoire, l’une aussi bien que l’autre, tiennent tout leur être de cette simple rencontre de séries causales qui se déroulent chacune pour soi. Toute chose grande et considérable, loin d’être l’acte longuement préparé d’une main directrice ou d’une finalité pure, est l’extrait fortuit d’un ensemble de rapports et de coïncidences. Mais l’homme, souvent au nom de certaines idées, combat victorieusement les résistances qu’il rencontre sur sa route : de là résulte ce semblant d’ordre intentionnel et de finalité, dont il serait vain de chercher les causes en dehors de toute expérience. » Le « casualisme » épicurien, qui deux mille ans avant nous attribuait à l’action réunie de la nature extérieure et des plus rudimentaires formes d’activité psychique la naissance du langage, celle de la société, des mœurs, de la religion, doit donc être considéré comme le précurseur de l’exégèse scientifique moderne.

Parmi les philosophes historiens de la Renaissance, M. R. Mayr étudie avec un soin scrupuleux les plus éminents, Machiavel, J. Rodin, Grotius, F. Bacon, Hobbes, et toute l’école des politiques anglais du xviie siècle. Le lecteur connaît les doctrines de ces créateurs de la pensée moderne, et là part d’idées fécondes que la science politique contemporaine leur a empruntée. Par eux le « règne de l’homme », suivant l’expression de Bacon, recommence après un intervalle de plus de dix siècles, et avec les autres sciences l’histoire renaît. Laissant au scepticisme de Montaigne, de Bayle et des autres le soin de déblayer le terrain, le cartésianisme, lui, par son mépris de l’autorité et de la tradition, improvise et crée le vrai sens historique.

En dehors de ce mouvement antithéologique, trois hommes, divers par le génie, osent entreprendre à nouveau la synthèse des deux termes que l’antiquité n’avait pu concilier, le Destin et l’homme, la Providence et la nature. Par un progrès remarquable de a pensée philosophique l’Ethique de Spinoza et son Tractatus theologico-politicus placé-