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tannery. — essais sur le syllogisme.

Si ces formes distinctes constatées sur le syllogisme vivant, dans la science, et non déjà disséqué, comme dans l’école, correspondent, comme nous essayerons de le faire voir, aux trois figures d’Aristote, n’aurons-nous pas le droit de dire que, pour inutile qu’ait été leur théorie, elle ne mérite pas toutefois le dédain dont elle est l’objet ?

Si au contraire rien de pareil n’a lieu pour la quatrième figure, les rares fidèles des antiques traditions ne pourront-ils pas voir dans ce fait un motif sérieux pour le rejet de cette figure ?

Nous avons défini notre but ; entrons en matière. Examinons tout d’abord dans quelles sciences nous pouvons voir réellement fonctionner le syllogisme, comme nous l’avons dit.

Nous n’avons pas à démontrer, après un maître honoré[1], que les mathématiques doivent être écartées. Les propositions, dans ces sciences, sont caractérisées par une identité établie entre les deux termes, et les formes du raisonnement déductif y sont, par suite, toutes spéciales.

Quant aux sciences d’observation, il est également clair que l’induction des lois de la nature d’après les faits particuliers n’a non plus rien à faire avec le syllogisme.

Son rôle est donc borné aux sciences de classification ; il s’applique en général au problème de déterminer, par l’analyse des caractères d’un échantillon, le nom spécifique des objets ou des êtres que représente cet échantillon. Ce rôle est donc essentiellement analytique.

Nous ne prendrons pas tout d’abord la science à son plus haut degré de développement ; nous remonterons à ses humbles débuts, alors que les questions qu’elle a à résoudre sont toutes pratiques, où il ne s’agit pas encore d’établir sur des principes rationnels un système de classification général et méthodique, mais de comparer l’objet étudié aux types qu’un long usage a rendus familiers à l’humanité.

Si nous empruntons nos exemples à l’analyse chimique, étant donné un minerai que l’ensemble de ses caractères aura immédiatement, par une analogie inductive, fait reconnaître comme métallique, il s’agira de rechercher s’il renferme un ou plusieurs des six ou sept métaux connus de toute antiquité. Souvent, la recherche n’aura même à porter que sur un seul métal, l’argent par exemple.

Si l’on suppose l’opération par voie humide, on prendra tout d’abord un échantillon du minerai ; et l’on conclura plus tard inductivement du premier au second ; il est inutile de dire que la conclusion pourra être fausse, si le minerai n’est pas fidèlement représenté ; mais nous n’avons pas à nous occuper de ce point.

On dissoudra l’échantillon dans une eau-forte, et on obtiendrais une solution métallique. C’est le petit terme du syllogisme ; solution d’argent sera le grand terme.

L’expérience a appris qu’une solution de sel marin versée dans une

  1. M. Lachelier, de Natûra syllogism. Paris, Ladrange, 1871.