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correspondance.

Philos. Monatshefte. Moi, de mon côté, je ne puis que me répéter également. On me reproche ce qui est dans la nature des questions traitées. Il ne faut pas un grand talent pour s’exprimer avec clarté, netteté et précision, quand on a à exposer une vue claire, nette et précise. J’ai donné des preuves que je ne suis pas entièrement dépourvu de ce talent. Mais il est extrêmement injuste de demander à un auteur ce qui n’existe pas encore. Jusqu’à cette heure, personne n’a encore été en état d’expliquer d’une manière claire et satisfaisante ce que nous reconnaissons des choses et comment nous les reconnaissons, de dire par exemple comment naissent les concepts du temps et de l’espace, etc. Autant que mes faibles forces l’ont permis, j’ai cherché à rouler le bloc de Sisyphe ; si je n’ai pu le faire monter plus haut ou si le fardeau rebelle est retombé, mon sort a-t-il été pire que celui de mes devanciers ? M. Reinach lui-même dit par exemple que le problème de l’aperception est insondable comme la plupart de ceux qui touchent aux mystères de la conscience. Comment peut-il me reprocher dans la même phrase que mes analyses ne jettent pas une grande lumière sur ce problème ? À la vérité, la plus faible lueur serait déjà un grand mérite. Or dans les cercles compétents on a reconnu assez généralement que j’ai réussi sur quelques points, et que mes recherches ont fait avancer la solution des problèmes dont ils s’occupent. Quant à la fable racontée par M. Wolkelt et répétée par M. Reinach, d’après laquelle on peut montrer dans les questions psychiques « de la finesse et de la justesse d’observation » et être néanmoins un écrivain obscur et confus, elle ne sera crue d’aucun homme qui comprend quelque chose à ces questions.

Avant de conclure, relevons encore quelques détails. Si par exemple M. Reinach se moque de ce que, malgré ma prolixité habituelle, j’expédie dans le court espace de deux pages la question vitale de l’objectivité de la ressemblance et de la dissemblance, je répondrai en premier lieu qu’il faut rattacher à cette question particulière celle de l’objectivité en général, qui s’y rapporte étroitement, de sorte qu’au lieu de deux il faut mettre cinq pages. En second lieu, mon ouvrage est-il une psychologie ou une ontologie ? Si l’on est obligé d’esquisser toutes les questions incidentes d’une façon aussi complète que le fait un professeur dans sa chaire, on n’arriverait jamais au bout de la tâche quotidienne. D’ailleurs j’ai annoncé explicitement dans la Revue encyclopédique des problèmes (1re part., p. 166 sq.) que ces problèmes métaphysiques, rentrant dans la psychologie proprement dite, ne peuvent être soumis ici « qu’à un examen préalable, réserve faite d’un examen ultérieur plus détaillé ; » que, « dans l’analyse de la pensée, il faut chercher à trouver une preuve probable et facile à comprendre de l’objectivité de la pensée. » Enfin je pense que la solidité de mes deux arguments n’est nullement ébranlée. Pour le premier, je me réfère, en même temps aussi à cause des restrictions et des réserves qui doivent être faites, aux Recherches sur la différence entre la sensation et le