Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
134
revue philosophique

traiter tous les sujets à la fois, si le physicien et le chimiste ne sont pas tenus de nous dire ce qu’ils pensent de l’existence de la matière, est-ce que, de bonne foi, le psychologue peut s’abstenir d’avoir un avis sur l’existence et la nature de l’esprit ? Est-ce que, ayant un avis, et s’en servant (qu’il le veuille ou non) comme de principe dans ses recherches, il ne ferait pas mieux de l’exprimer que le taire ? Il se peut que la conviction à laquelle il s’attache repose sur des analogies, sur des probabilités plus que sur des démonstrations décisives ; mais faut-il donc bannir du domaine de la science tous les problèmes qui ne comportent pas une solution unique et instantanée ? Les sciences supérieures ne vivent-elles pas d’approximations successives, et la vérité n’est-elle pas, sauf peut-être pour les mathématiques, à l’état de perpétuel devenir dans l’esprit humain ? Que si certains problèmes paraissent insolubles, parce qu’ils sont mal posés, qu’on le dise ; mais que du moins la philosophie ne soit pas plus longtemps énervée par cette habitude humiliante de réserver les questions vitales.

Il est possible après tout que ceci ne s’applique pas à M. Siciliani. Peut-être n’est-il pas fixé sur les points dont nous parlons. Peut-être sa neutralité n’est-elle pas jouée. Pourquoi dès lors emploie-t-il des expressions qui laissent croire à un parti pris ? Il compare dès le début les matérialistes et les spiritualistes à deux chevaliers qui se battent pour la couleur d’un écu qu’ils n’ont vu ni l’un ni l’autre. Comme il s’agit, non de la couleur, mais de l’existence de l’écu, les matérialistes ne seront peut-être pas blessés de la comparaison, puisqu’ils prétendent précisément que l’écu, n’existant pas, est invisible ; mais que penseront les spiritualistes ? Ils trouveront la comparaison irrévérencieuse et jugeront que renvoyer ainsi la question de l’existence de l’âme aux calendes grecques, c’est en définive la résoudre négativement, en se dispensant de donner ses raisons. Auront-ils tort tout à fait ?

Au fond, M. Siciliani penche vers les conclusions de Spencer ; son livre peut se résumer en quelques mots. La méthode subjective (l’introspection des Anglais) implique une solution métaphysique ; elle est étroite et insuffisante ; il faut la compléter par une recherche objective des faits physiologiques qui accompagnent les faits psychiques ; la méthode objective a les mêmes inconvénients dans le sens inverse ; il faut la compléter par une recherche subjective des faits psychiques qui accompagnent les faits physiologiques ; de plus, à la psychologie et à la physiologie, qui étudient l’esprit et l’organisme du point de vue statique, dans leur état de formation définitive, doit se substituer la psychogénie, qui étudie les deux ensembles de faits (les