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de ce procédé qui comporte la distribution des concepts en classes d’objets semblables, distinguées chacune par quelque différence (ἑτερότης τοῦ γένους), et subdivisées elles-mêmes en deux ou plusieurs autres classes grâce à quelque nouvelle différence (διαφορὰ εἰδοποιὸς). Définir par le genre prochain et la différence spécifique, c’est en réalité faire, dans le sens le plus simple du mot, une classification. C’est un procédé d’une application générale. On peut en effet distinguer les genres, comme on distingue les espèces : « Le même concept qui est un genre par rapport à l’espèce immédiatement inférieure est, à son tour, une espèce par rapport à un genre plus élevé, jusqu’à ce que nous arrivions à l’une des rares déterminations, différentes l’une de l’autre, qui ne sont pas elles-mêmes formées par différenciation d’une détermination plus haute, excepté celle d’existence elle-même prise comme un terme général dont l’aspect opposé est la conscience. »

Aristote a eu le grand mérite de distinguer le premier l’ordre des concepts et celui des percepts. Ses dix fameuses catégories se rapportent à celui-ci ; les trois catégories dont nous venons de parler, à celui-là ; dans les Topiques, il expose parallèlement ces deux ordres avec les catégories correspondantes, selon lui, et fait voir le rapport qu’elles ont entre elles. Il croyait encore, il est vrai, que la distinction des genres était fondée en nature, correspondait à une distinction réelle des choses hors de nous ; mais peu importe ; il a reconnu le procédé de la perception volontaire, ou de la conception, et l’a clairement distingué de la perception spontanée. Il se serait approché davantage de la vérité, s’il avait reconnu que les genres les plus hauts sont des déterminations et non des êtres réels. Pour lui d’ailleurs, comme pour tous ceux qui traitent de ces questions, le langage même était une cause d’obscurité, car le langage traduit tout en termes qui correspondent à l’ordre des concepts, en termes généraux. La distinction scolastique des premières intentions, pour désigner l’attitude de l’esprit en tant qu’il perçoit, et des secondes, pour désigner l’attitude ne l’esprit en tant qu’il conçoit, est encore, malgré son aspect barbare, l’une des plus importantes en philosophie. Le langage ne nous permet pas d’en tenir compte : il est né des secondes intentions, si l’on peut ainsi parler, et ne sait pas exprimer les premières.

Quand l’ordre des concepts est rendu par des mots, il est traduit par une série de propositions. Le verbe ou la copule, dans ces propositions, sert à marquer la transition du sujet à l’attribut, c’est-à-dire d’un percept changé en concept à un concept qui peut être de nouveau changé en percept. Le verbe occupe ainsi la place du point