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stuart mill.fragments inédits sur le socialisme

pour les chemins de fer par exemple, il n’y a de concurrence possible qu’entre deux ou trois grandes compagnies ; alors les opérations se font sur une échelle trop grande et qui n’est plus à la portée des petits capitalistes opérant avec leurs propres ressources. Voilà une des raisons pour lesquelles les affaires qui demandent le concours de l’association des capitaux ne sauraient demeurer abandonnées à la concurrence, et pourquoi aussi, lorsque l’État ne se les réserve pas, il faut qu’elles soient conduites d’après des conditions prescrites et modifiées par lui de temps en temps, en vue d’assurer au public des services à meilleur marché que n’en offrirait l’intérêt privé, affranchi d’une concurrence efficace. Mais, dans les branches ordinaires de l’industrie, il n’y a pas de concurrent assez riche pour chasser tous ses compétiteurs plus faibles. Il y a des affaires qui ont de la tendance à passer des mains d’un grand nombre de petits producteurs ou de marchands, à celles d’un plus petit nombre de producteurs ou de marchands plus importants. Mais, quand cela arrive, c’est que la possession d’un grand capital permet d’adopter un outillage plus puissant, plus productif, grâce à des procédés plus coûteux, ou de conduire les affaires d’après un système mieux conçu et plus économique. Ces améliorations permettent au grand commerçant de fournir légitimement, et d’une façon continue, au grand avantage des acheteurs et par conséquent des classes ouvrières, des marchandises à meilleur marché qu’il ne pourrait le faire s’il opérait sur une plus petite échelle. Elles diminuent d’autant le gaspillage des ressources de la société tant déploré par les socialistes, cette multiplication sans nécessité des simples agents de distribution et de tous ces personnages que Fourier appelle les parasites de l’industrie. Quand ce changement s’est effectué, il est rare que les capitalistes plus importants qui opèrent avec leurs propres capitaux, ou qui se réunissent en compagnie d’actionnaires pour se partager l’industrie en question, se trouvent trop nombreux, s’ils le sont jamais, dans une branche d’affaires, pour que la concurrence ne continue pas entre eux. De la sorte, la diminution des frais qui leur permettait de vendre à meilleur marché que les petits commerçants passe toujours, comme auparavant, aux acheteurs sous forme d’abaissement des prix. Donc, l’effet de la concurrence dans l’abaissement des prix des marchandises, y compris celles sur lesquelles se dépensent les salaires, n’est point illusoire, mais très-réelle, et nous devons ajouter qu’elle croit au lieu de décliner.

Il est pourtant des points aussi importants, où les accusations des socialistes contre la concurrence ne comportent pas une réponse aussi péremptoire. La concurrence est la meilleure garantie du bon