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dastre. — le problème physiologique de la vie

général et l’efface au lieu de lui être subordonné. Le principe de la vie devient pour chaque être quelque chose d’individuel comme son évolution même. C’est ainsi, à bien considérer les choses, que les philosophes, depuis M. Chauffard jusqu’à M. Vacherot, envisagent la vie. Voilà la raison intime de leur désaccord avec l’école physiologique.

Tel était l’état des esprits, au moment où Cl. Bernard inaugurait sa vaste entreprise d’une physiologie générale. Instauratio facienda ab imis fundamentis. La doctrine du jour niait la vie en tant que phénomène, c’est-à-dire le point de départ même de l’œuvre. Mais la doctrine du jour se trompait. C’est à cette erreur fondamentale qu’il fallait s’attaquer en premier lieu. Cl. Bernard le comprit, et ses premiers efforts furent dirigés contre la doctrine de l’antagonisme vital des plantes et des animaux.

On va juger avec quel succès. Celui que Renan, dans ses Dialogues philosophiques, décore du beau nom de Philalèthe, n’était pas homme à défigurer la vérité pour la plier à des fantaisies systématiques. Il savait avant de se proposer son œuvre qu’elle était possible et qu’il n’aurait qu’à suivre la preuve d’une vérité que son intuition et son expérience lui avaient révélée. Sous les déguisements des formes vivantes, il avait déjà reconnu l’existence d’un fonds identique, et son oreille exercée avait saisi, à travers l’instrumentation surchargée de l’œuvre vitale, le bourdonnement reconnaissable d’un thème constant. Il fallait passer à la démonstration, faire voir à tous que les plantes vivent comme les animaux : qu’elles respirent, digèrent, sentent, se meuvent essentiellement comme eux, détruisent et édifient de la même manière les principes immédiats. C’était un labeur gigantesque, car il obligeait l’auteur à pénétrer jusqu’au fond intime des fonctions vitales pour discerner l’essentiel de l’accessoire ; il fallait descendre jusqu’aux conditions fondamentales de la digestion, de la respiration, de la sensibilité, de la motilité et de la nutrition.

Voilà ce que l’illustre physiologiste a accompli. Il a consacré à l’exécution de ce vaste projet les six années qui se sont écoulées de 1869 à 1875. Les résultats de ce travail considérable sont exposés complètement dans son ouvrage sur les Phénomènes de la vie communs aux animaux et aux plantes.

L’exécution du programme commence par l’étude de la formation des principes immédiats. C’est en effet sur ce terrain que le dualisme vital avait élevé sa forteresse. On considérait le règne animal dans son ensemble comme le parasite du règne végétal.