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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VII.djvu/352

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est consacrée tout entière au temps de Galilée. Cette section peut se diviser en deux parties : la première est consacrée à la dynamique, la seconde à la statique. Dühring expose les travaux de Galilée avec une certaine étendue, et je dirais presque avec une certaine complaisance. On n’en saurait être surpris. Le style de Galilée est si limpide, si attachant, son caractère est si aimable, sa personne et sa pensée sont si profondément sympathiques, qu’après deux cents ans on tombe sous le charme et qu’on s’abandonne comme au premier jour. Ce n’est pas moi, certes, qui reprocherai à Dühring d’avoir exagéré l’importance de Galilée, mais je me demande s’il n’a pas un peu trop amoindri celle de ses contemporains. Je ne veux pas parler de Descartes. Le docteur Dühring a souvent été pour lui bien sévère ; mais, en mécanique. Descartes s’est si souvent trompé que la sévérité à son égard n’est le plus souvent que de la justice. Je réclamerai plus vivement pour Pascal. Je sais qu’en mécanique il n’a guère traité de questions générales, mais il est le vrai fondateur de l’hydrostatique, et l’hydrostatique est une des parties considérables de la science.

En arrivant aux temps de Huyghens et de Newton, le docteur Dühring s’étend davantage. Il est vrai que la mécanique prend alors des développements qui équivalent presque à une complète transformation. Le chapitre consacré à Huyghens est plein d’intérêt. L’histoire des découvertes de Newton est naturellement plus étendue et mérite d’être étudiée avec soin. On y trouvera bien des observations intéressantes, que peut-être on n’acceptera pas toujours, mais qui certainement invitent à penser.

Il semblerait que, arrivé au point où nous sommes parvenus, Dühring dût avoir achevé au moins la moitié de sa tâche. Il ne l’entend nullement de la sorte. Pour lui, tout ce qui précède n’est encore qu’une sorte d’introduction, et c’est ici que commence pour ainsi dire le corps même de son ouvrage. J’avoue que, sur ce point comme sur plusieurs autres, j’ai quelque peine à m’entendre avec lui, et je demande la permission d’exprimer librement mon opinion. Il ne faut pas se faire d’illusion. Les savants en général ont peu de goût pour les études historiques. Quand il s’agit d’époques reculées, d’auteurs peu connus, d’ouvrages rares et difficiles à lire, ils se contentent aisément de ce qu’on appelle une connaissance de seconde main, et ils se montrent pleins de reconnaissance pour l’historien qui les met à même d’acquérir à peu de frais des connaissances précises. Mais quand il s’agit des maîtres, ils n’admettent pas qu’une histoire, qu’une analyse, si complète, si exacte qu’elle soit, puisse les dispenser d’étudier les ouvrages originaux. Il est certain qu’en mécanique, quiconque n’aura pas médité d’Alembert et Lagrange restera toujours un écolier. Entraîné par un attrait irrésistible, Dühring a consacré à l’étude de ces monuments la meilleure part de son travail, je crains que cette portion de son œuvre, à laquelle il a consacré tant d’étude et de talent, ne soit, justement la plus négligée par les lecteurs les plus compétents. Certes, je