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stuart mill.fragments inédits sur le socialisme

obligations. Les grandes réformes foncières de Stein et de ses successeurs en Prusse consistèrent à abolir aussi bien les droits que les obligations anciens, et à partager effectivement le sol entre les propriétaires et les paysans, au lieu de laisser aux uns et aux autres des droits réciproquement limités sur la totalité d’un même fonds. Ailleurs, comme en Toscane, le métayer est actuellement copropriétaire avec le propriétaire foncier, puisque la coutume, sinon la loi, lui garantit une possession permanente et la moitié du produit brut, tant qu’il remplit les conditions de sa tenure telle que la coutume les a fixées.

Il y a plus, si les droits de propriété sur les mêmes choses sont plus ou moins étendus suivant les pays, ils s’exercent aussi d’une manière différente sur différentes choses. Dans tous les pays, dans les premiers temps, le droit de propriété s’étendait, et dans quelques-uns il s’étend encore sur des êtres humains. Il a souvent existé une propriété d’emplois publics, tels que les offices de judicature, et une grande quantité d’autres en France avant la Révolution. Il y a encore un petit nombre de charges privilégiées dans la Grande-Bretagne, mais qui finiront, je pense, en vertu de la loi, à la mort de ceux qui en sont investis aujourd’hui. Nous venons seulement d’abolir la propriété dans les rangs de l’armée. Des corps constitués et dotés pour des services publics prétendent encore exercer sur leurs domaines le droit inviolable de propriété que les particuliers ont sur les leurs. Une saine politique, il est vrai, refuse de leur reconnaître ce droit, mais ils ont pour eux la loi.

Nous voyons donc que le droit de propriété reçoit des interprétations diverses ; qu’il n’a pas partout ni toujours la même étendue. L’idée qu’on s’en fait est variable ; elle a subi fréquemment des révisions et peut en subir encore. Il faut aussi remarquer que les révisions effectuées jusqu’ici dans les progrès de la société ont généralement été des améliorations. Si donc on vient nous dire, à tort ou à raison, qu’un changement, une modification dans le pouvoir exercé sur les choses par les personnes légalement reconnues comme propriétaires, serait profitable au public et contribuerait au progrès général, ce n’est pas y faire une réponse suffisante que de se borner à dire que le changement proposé est en contradiction avec le droit de propriété. L’idée de propriété n’est pas une chose qui soit demeurée identique durant tout le cours de l’histoire et qui ne puisse subir de changement ; elle est variable, comme toutes les autres créations de l’esprit humain. À une époque donnée, c’est une expression brève qui dénote les droits que la loi ou la coutume d’une certaine société donnée, vivant à cette époque, confèrent sur les choses. Mais, ni sur