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décrépitude et à la mort à travers les métamorphoses de la jeunesse, de l’adolescence et de l’état adulte. Mais, avant de disparaître, il sépare de lui-même comme une bouture qui le perpétue. La génération ou la naissance ne font donc pas une brèche dans la voie continue que suit l’être protoplasmique ; on ne voit pas à un moment la vie s’allumer en lui, on ne la voit pas s’allumer non plus dans l’animal supérieur qui sort d’un corpuscule vivant, d’une cellule épithéliale de l’organisme maternel. L’échelle de sa filiation est infinie dans le passé. C’est toujours la même vie qui se poursuit, plus ou moins modifiée ; et, à cet égard, il est vrai de dire que la nature ne nous offre le spectacle d’aucune création : natura non facit saltum ; elle est une éternelle continuation.

Pour manifester les phénomènes de la vitalité, l’être protoplasmique a besoin des excitants que lui fournit le monde extérieur, car il ne possède en lui-même aucune initiative, aucune spontanéité ; il a seulement la faculté d’entrer en action lorsqu’un stimulus étranger vient l’y provoquer. Le mot d’irritabilité désigne cette condition particulière de la matière vivante. La vie, d’après cela, n’est pas seulement un attribut interne, un principe intérieur d’action. En montrant que toute manifestation vitale résulte du conflit de deux facteurs : 1o Les conditions extrinsèques, physico-chimiques qui en déterminent l’apparition, et 2o des conditions intrinsèques ou organiques qui en règlent la forme, Cl. Bernard a porté un coup mortel aux anciennes théories vitalistes qui ne voyaient dans les phénomènes de la vie que l’action d’un principe tout intérieur entravé plutôt qu’aidé par les forces universelles de la nature. Tout au contraire, l’organisation est une sorte de réactif du monde extérieur. Les deux ordres de conditions, les unes apportées par l’être lui-même, les autres par les agents extérieurs, sont également indispensables et sont par conséquent d’égale dignité. Mais elles ne sont pas également accessibles à l’expérimentateur : seules les conditions physiques sont dans ses mains et à sa discrétion ; par elles, et seulement par elles, il peut atteindre les manifestations vitales dans leur apparition, les provoquer ou les empêcher, les ralentir ou les précipiter. C’est ainsi qu’il suspend ou rétablit à son gré la pleine activité vitale chez la multitude des êtres reviviscents ou hibernants, les graines, les infusoires enkystés, les anguillules, les tardigrades, les animaux à sang froid, les plantes vivaces.

Le second chapitre de la physiologie générale doit être consacré précisément à l’étude des conditions extrinsèques ou physico-chimiques, nécessaires aux manifestations vitales. Au lieu d’être infiniment variées, ces conditions sont essentiellement les mêmes