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regnaud.études de philosophie indienne

tvam asi), qui est la formule par excellence de la foi védântique. La répétition en est utile, car, bien qu’il faille arriver à l’idée de l’âme suprême (ou du moi, âtman) une et sans parties, il y a à tenir compte de ce fait que, par suite de l’ignorance, nous la considérons comme multiple et composée du corps, des sens, du manas et de la buddhi. Il en résulte que nous pouvons arriver à sa notion parfaite d’une manière graduelle et en faisant abstraction, à la longue et à force de nous pénétrer du sens de la grande phrase, de chacune des parties que nous nous imaginons voir en elle[1]. Quant à ceux dont l’intelligence est assez lucide (nipuna) pour dissiper d’un seul coup les ombres de l’ignorance, pour ceux-là l’intuition du vrai est instantanée et la répétition de la grande phrase est inutile.

Le Sûtra suivant (IV, 1, 3) établit la synonymie des mots « âme suprême » (paramâtmâ) et « moi » (aham). À l’objection que l’âme individuelle désignée par l’expression « moi » a des attributs contraires à ceux de Brahma ou l’âme universelle, Çankara répond au nom des Védântins que la contradiction de ces attributs n’est qu’apparente et résulte de la fausse idée que l’on a du moi. Dès que cette erreur est dissipée par l’effet de la science, l’âme individuelle devient identique à l’âme suprême, qui jouit seule d’une existence réelle.

Au témoignage du Sûtra iv, 1, 4, c’est une erreur de dire qu’on peut concevoir l’idée de l’âme suprême d’après un symbole, parce que tout symbole est une modification de Brahma et que Brahma est l’âme suprême. On ne saurait, en effet, attacher l’idée d’âme suprême à des symboles épars (pratikâni vyastâni). Quant à s’appuyer sur la raison que tout symbole est une modification de Brahma, cela revient à dire qu’il n’y a pas de symbole, attendu que l’ensemble des choses matérielles ne peut être considéré comme identique à Brahma qu’à la condition de perdre son caractère de modification ; or, quand ce caractère a disparu, que deviennent les symboles et la possibilité de former à leur aide une idée de l’âme suprême ?

Les Sûtras iv, 1, 7-10 constatent que, dans le culte mental que l’on rend à Brahma pour s’unir à lui et arriver à la délivrance, c’est-à-dire durant la méditation extatique, on doit être assis. Il n’est pas possible, en effet, d’assurer le cours égal de la pensée, nécessaire à la méditation, quand on court ou que l’on marche, parce que l’agitation que ces mouvements occasionnent distrait l’esprit ; quand on est debout, l’esprit est occupé à soutenir le corps et ne saurait main-

  1. Yady api ca pratipattavya âtmâ niramças tathâpi adhyâropitam tasmin bahvamçatvam dehendriyamanobuddhivishayavedenâdilakshanam tac caikenâvadhânenaikam amcam apohaty aparenâparam iti yujyate tatra kramavan pratipattih.