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tenir son attention sur une matière aussi subtile que la nature de l’âme suprême ; enfin, quand on est couché, on tombe sans s’y attendre au pouvoir du sommeil. Ces différents inconvénients sont écartés si l’on s’assied pour se livrer à la méditation ; car elle exige que les membres soient détendus, que la vue soit fixée, et que l’esprit soit attaché à un seul objet, tous actes que la posture qu’on occupe en étant assis favorise.

D’après le Sûtra iv, 1, 11, et quoi qu’en dise la Çvetâçvatara Up., ii, 10[1], il n’y a ni lieu ni temps d’assigné à la méditation. Il est facultatif de s’y livrer tourné comme on l’entend, ainsi qu’en tout endroit et à toute heure où l’esprit peut facilement s’absorber dans la contemplation d’un seul objet[2].

Le Sûtra IV, 1, 12, prescrit de persévérer jusqu’au moment de la mort dans la pensée de l’unité du moi et de Brahma. C’est, en effet, au moyen d’une pensée dernière, d’une pensée que l’homme conserve jusqu’à son dernier moment, qu’on obtient un fruit invisible[3], inaccessible au sens, c’est-à-dire la délivrance. Même pour les fruits du sacrifice dont on doit jouir dans une autre existence, il faut, au moment de la mort, en avoir la notion idéale (bhâvanâvijñâna) présente à l’esprit. Si, à cette heure suprême, l’homme qui aspire à la délivrance n’avait pas en perspective sa véritable nature, quel serait donc l’objet de sa pensée ? Il faut en conséquence avoir présente à l’esprit jusqu’au dernier instant la condition à laquelle on aspire.

D’après le Sûtra suivant (iv, 1, 13), au moment où l’âme individuelle s’unit à l’âme suprême, c’est-à-dire quand la délivrance s’accomplit, le péché et ses conséquences disparaissent. Les fautes commises sont anéanties, et l’âme ne saurait être atteinte par de nouvelles souillures. Les textes sacrés l’établissent et spécialement le passage de la Mundaka Up., ii, 2, 8, où il est dit : « Le nœud du cœur est tranché ; tous les doutes sont tranchés, et ses œuvres s’anéantissent quand il voit cet être suprême et infime. »

On objecte, il est vrai, que l’œuvre a une énergie propre en vertu de laquelle ses effets doivent nécessairement s’accomplir. Mais la science a le pouvoir d’y mettre obstacle ; il suffit de savoir que l’âme ne saurait être agent pour que l’œuvre soit coupée dans sa racine[4]. Une fois même qu’on connaît Brahma, les actes peuvent

  1. Voir plus haut.
  2. Yatraivâshya diçi deçe kâle vâ manasah saukaryenaikâgratâ bhavati tatraivopasîta.
  3. A prâyanâd evâvartayet pratyayam antyapratyayavaçâd adrshtaphalaprâpteh.
  4. Akartrâtmatvabodhât karmapradâhasiddhih.