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à la suppression de la distinction entre le connaisseur, la connaissance, etc. (distinction qui n’a rien de réel). Il en est alors de l’idée de Brahma comme de celle d’un éléphant de terre cuite, qui n’est en réalité que de la terre cuite et dans lequel on voit un éléphant ; de même, dans Brahma on voit le connaisseur, la connaissance, etc., quoiqu’en réalité il n’y ait que Brahma.

L’extase nirvikalpa est un état dans lequel il y a modification de la pensée modelée sur la forme de l’être unique avec égard à la suppression de la distinction de connaisseur, connaissance, etc., et complète unité de nature (du réel et de l’idée du réel). Alors l’être unique se manifeste seul, sans qu’il y ait reflet des modifications de la pensée qui en a pris la forme ; de même que, dans de l’eau où du sel est en dissolution, l’eau se manifeste seule et sans qu’apparaisse le sel qui (en se fondant) a pris la forme de l’eau.

Cet état diffère toutefois de celui de profond sommeil, car si dans l’un et l’autre cas la modification de l’intelligence a cessé d’être, ou de produire des effets particuliers, dans le profond sommeil la buddhi n’existe plus, elle s’unit momentanément à l’âme individuelle qui en est la cause[1], tandis que dans l’extase nirvikalpa, la buddhi ne cesse pas d’exister en prenant la forme de l’être unique.

Mais l’extase nirvikalpa doit être favorisée par différents auxiliaires (angâni), qui sont : les coercitions (yamâh) ; les observances pieuses (niyamàh) ; les postures (âsanâni) ; les obstacles apportés à la respiration (prânâyâmâh) ; la contrainte (prâtyâhârâ) ; l’attention (dhâranâ) ; la méditation (dhyâna) et l’extase nirvikalpa (samâdhi).

Les coercitions consistent à s’abstenir de maltraiter autrui en paroles, pensées ou actes, de mentir, de voler, de manquer aux règles de la continence[2] et d’accepter quelque chose qui n’est pas de nature à favoriser l’extase.

Les observances pieuses sont : la pureté extérieure et intérieure ; le contentement, c’est-à-dire la satisfaction de tout ce qui nous échoit et l’absence d’abattement même quand tout nous fait défaut ; la pénitence, c’est-à-dire le fait de ne pas manger à plaisir ou de fixer le manas et les sens sur un seul objet ; l’étude, ou la répétition de la syllabe om et la lecture réitérée des Upanishads, et le culte mental rendu à Içvara.

  1. Du moins c’est la signification que j’attache au passage suivant du Com. sur le Ved.-Sâra (loc. cit.) : sushuptau buddhir eva nâsti buddheh kâranàtmanâvasthânasya tal lakshanatvât.
  2. Ces règles, d’après, le Com., sont au nombre de huit. On doit éviter de penser aux femmes, de les célébrer, de badiner avec elles, de les regarder, de les désirer, de les convoiter vivement et d’accomplir avec elles l’acte charnel.