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analyses. — liard. La science positive et la métaphysique.

saurait être l’absolu. Dans le second cas, ou elle est infinie, ou elle est finie. Si elle est infinie, nous avons un double infini réalisé par la substance immense et éternelle, ce qui est contradictoire ; si elle est finie comment expliquer que le temps, l’espace, le nombre infinis soient réels dans celles de leurs parties qui coïncident avec la substance objective et ne soient au delà que des possibilités idéales ? De plus, il faut considérer la totalité des phénomènes comme continue, sous peine de tomber dans des difficultés insurmontables. Mais alors deux états successifs de la substance sont séparés par un intervalle dans le temps et dans l’espace. L’intervalle a des limites entre lesquelles on peut en intercaler d’autres, et ainsi de suite à l’infini. La substance absolue est donc composée actuellement d’un nombre infini de parties, divisibles elles-mêmes à l’infini. On s’engage ainsi dans un dédale de contradictions. La loi de cause, elle non plus, ne nous donnera pas l’absolu. La loi de causalité n’implique pas la nécessité d’un premier commencement. Si cependant, pour éviter la contradiction d’un infini réalisé, on admet une cause première cause d’elle-même, on est forcé de la supposer constituée par des déterminations successives. Mais la série interne des déterminations est-elle infinie ou finie ? Dans le premier cas, on tombe dans la contradiction, dans le second, on recule la difficulté sans la résoudre.

Ainsi l’objet de la métaphysique, l’absolu, est inaccessible à la science ; c’est dans un autre domaine qu’il faut chercher.

Nous avons considéré jusqu’ici les objets de la connaissance ; ils impliquent le sujet dont l’existence est incontestable et irréductible, car on ne peut admettre que les éléments conscients dérivent par transformation des phénomènes mécaniques auxquels ils sont unis. Le mouvement n’explique pas les sensations et leurs différences ; en fin de compte, il faut placer dans le sujet conscient les énergies spécifiques attribuées tour à tour à la nature extérieure, aux organes des sens, aux nerfs et aux centres nerveux. Une fois l’existence du sujet reconnue, il faut déterminer sa nature : le sujet n’est pas une simple série de phénomènes conscients. Comment les sensations les plus hétérogènes s’agrégeraient-elles en une conscience unique ! Comment l’avenir et la prévision seraient-ils possibles ? Le lien qui unit nos sensations ne nous est pas inconnu, comme le prétend Stuart Mill. À un certain instant, le sujet s’apparaît à lui-même en un acte de conscience spontané, et ce sentiment persistant fait une chaîne continue de nos états intérieurs. Sans l’activité du sujet, on ne saurait comprendre la continuité de la conscience. Cette activité se manifeste par un mode nouveau de causalité, la causalité libre, dont la conscience nous atteste la réalité. Les motifs qui sont soumis à la lutte pour l’existence ne peuvent terminer eux-mêmes leur querelle, et nous y mettons fin par notre libre vouloir. N’en faisons-nous pas l’expérience quand les raisons d’agir et de ne pas agir semblent également partagées ou que les unes ont sur les autres une prépondérance évidente ? Ne nous suffit-il pas