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tions d’un même sens n’excluent pas entre elles la possibilité d’une comparaison : on dit que le jaune est plus voisin de l’orangé rouge que du bleu.

De ces deux classes de différences, dont l’une est plus profonde que l’autre, la physiologie nous apprend que la première est tout à fait indépendante du m.ode de l’impression extérieure et résulte exclusivement de la constitution du nerf sensible, auquel l’impression est communiquée. L’excitation du nerf optique n’engendre que des sensations lumineuses, qu’elle ait sa cause dans l’action de la lumière objective, c’est-à-dire dans les vibrations de l’éther, ou dans celle d’un courant électrique ; ou encore qu’elle résulte d’un choc sur le globe oculaire, ou d’un déchirement du tronc nerveux, par suite d’un brusque mouvement de l’œil. L’impression dans ces derniers cas est tellement semblable à celle de la lumière objective, qu’on a cru longtemps à une réelle production de lumière dans l’œil. D’un autre côté, les mêmes actions extérieures causent, suivant les différents nerfs, des sensations très-différentes. Les mêmes vibrations de l’éther sont senties par l’œil comme lumière, par la peau comme chaleur. Les vibrations de l’air qui communiquent à la peau la sensation d’un frémissement éveillent dans l’oreille celle d’un son. Il a fallu de longues et difficiles expériences pour faire triompher la doctrine de l’homogénéité et de l’identité partielle d’agents en apparence aussi dissemblables que la lumière et la chaleur rayonnante.

D’un autre côté, les effets les plus dissemblables sont produits par les mêmes causes, dans la sphère propre de chaque sens. Qu’on compare l’oreille et l’œil, sous l’action des mouvements vibratoires de la lumière et du son. On sait que les couleurs, comme. les sons perçus, diffèrent suivant que les vibrations sont plus ou moins rapides.

Si nous désignons les rapports des vibrations par le nom des intervalles musicaux qui leur correspondent pour l’oreille, « l’oreille perçoit environ dix octaves de sons différents, l’œil n’en perçoit que six » : et cependant, en dehors de ces limites, bien des vibrations lumineuses et sonores se produisent, dont on peut expérimentalement démontrer l’existence. L’échelle des sensations fondamentales et irréductibles est limitée pour l’œil, à trois, le rouge, le vert, le bleu violet, qui se mêlent sans se confondre dans la sensation. L’oreille, au contraire, discerne un nombre incalculable de sons de hauteur différente. Aucun accord ne résonne comme un autre accord, composé de sons différents de ceux du premier : il n’en va pas de même pour l’œil. La même impression de blancheur nous est causée par le rouge et le bleu-gris du spectre, par le jaune et le bleu ultramarin, par le vert-jaune et le violet, etc. S’il en était ainsi pour l’oreille, l’accord de l’ut et du fa, du et du sol, du mi et du la, etc., ferait sur nous le même effet.

On voit combien tous ces effets, et bien d’autres que l’on pourrait signaler dans l’action de la lumière et du son, dépendent de la façon dont l’appareil nerveux réagit contre les impressions extérieures. On