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Ainsi la philosophie n’a plus seulement pour objet la connaissance des idées à priori, mais de toutes celles en général qui ont été conquises et lui sont fournies par l’expérience. C’est une tâche qui s’impose d’elle-même, qui est pour ainsi dire inévitable, car les idées renferment des contradictions qu’il faut absolument écarter, et sont comme autant de problèmes à résoudre.

Cette conception originale de la philosophie permet à Herbart de réaliser le but qu’il s’était proposé et de faire de la philosophie ce qu’elle devrait être : le lien réunissant les diverses parties de notre savoir en un seul organisme. La méthode employée par Herbart dans tous ses ouvrages est adaptée à ce but et contribue à la conciliation du raisonnement à priori avec le raisonnement positif. La théorie la plus abstraite n’est pas à ses yeux dépourvue de valeur, si elle peut être vérifiée par la réalité, ou, pour mieux dire, s’il y a des faits réels, qu’elle seule est en état de nous expliquer. C’est pourquoi Herbart s’applique toujours à ce que toutes ses recherches soient étroitement liées avec les sciences naturelles et prépare, par cela même déjà, l’accord de la philosophie avec la science, à une époque où l’idéalisme transcendant était encore à l’apogée de sa puissance et où la spéculation, fière de ses succès, rejetait avec dédain toute entente avec la nature.

Cependant les idées de Herbart concernant la philosophie et son rapport avec les sciences, si hautes qu’elles soient, ont besoin d’être considérablement développées pour acquérir une signification durable. Ainsi, par exemple, sa conception de la logique comme première science philosophique avec un caractère formel devra subir une transformation radicale. La logique, en qualité de science fondamentale, ne peut se borner à une tâche aussi restreinte. Il faut qu’elle pénètre dans la nature même de nos idées ; par suite, elle sera forcée de s’unir à la théorie de l’entendement, et de puiser dans la nature de notre savoir la connaissance des moyens propres à mesurer notre esprit au moyen d’une réflexion systématique. En un mot, la logique de Herbart devra se transformer en une science ayant pour objet l’étude des lois et de la nature de nos pensées, et de toute recherche scientifique. La conception de la métaphysique comme d’une science écartant les contradictions des idées suggérées par l’expérience demande aussi à être modifiée sous certains rapports. À vrai dire, les contradictions ne se trouvent pas dans les idées qui nous sont ordinairement fournies par l’expérience, mais dans celles qui sont conquises au moyen de l’expérience et de l’observation scientifiques. Par exemple, l’idée du moi conscient de soi-même, dans la signification ordinaire du mot, ne renferme pas de contradiction.