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analyses.franck. Philosophes français et étrangers.

De même que la défaillance de la volonté constitue le vice, la défaillance de la raison constituerait la passion. Par là, les passions seraient des actes volontaires et libres du moi. Avouons que M. Maillet ne parvient pas à mettre absolument hors de doute celte participation réfléchie de l’âme à la passion. L’homme permettrait librement à sa raison de s’abaisser ? Est-ce prouvé ? Les difficultés de la question se trahissent jusque dans les expressions contradictoires que l’auteur emploie pour concilier dans la passion la fatalité et la liberté, « Il faut concevoir, dit-il, un consentement de l’âme dune nature telle qu’elle s’y sépare d’elle-même et tout ensemble y reste attachée à elle-même. C’est une défaillance dans laquelle nous restons continuellement capable de nous reprendre nous-même ; c’est un déchirement sans rupture ; c’est une secousse tout intérieure, dans laquelle les parties qui se séparent restent en même temps unies d’une manière transcendante et mystérieuse. » (P. 230). N’est-ce pas le cas de rappeler à l’auteur l’aveu expressif qui lui a échappé quelques pages plus haut : « Je crains de m’égarer dans la logomachie ? »

Le livre III, qui a pour titre des Formes de la passion, n’appartient pas plus que les précédents à la psychologie pure. L’auteur y cède encore à la tendance qui lui est naturelle de généraliser outre mesure et d’élargir le cadre de ses études. C’est ainsi que, avant d’examiner les passions individuelles de l’homme et les passions collectives des nations il étudie « les passions de la nature » (p. 248-263). Que faut-il entendre par là ? M. Maillet prétend retrouver dans la nature l’image des deux courants qui entraînent les passions humaines vers le bien ou vers le mal. La nature animée et personnifiée nous est présentée comme un ensemble de puissances et d’aspirations placées en face de la volonté divine par une sorte de dualisme imité des cosmogonies grecques. Tantôt l’activité de la nature secondera l’action bonne de Dieu, tantôt elle lui résistera par je ne sais quelle révolte sourde et s’opposera à la perfection complète de l’œuvre créatrice. La nature aura donc des passions bonnes et mauvaises : les unes qui seront, par exemple, les révolutions géologiques destinées à préparer des états meilleurs ; les autres, la persistance des races inférieures, les cataclysmes qui détruisent sans améliorer. Comme métaphores, de telles analogies seraient déjà discutables : mais qu’en dire, lorsqu’elles se donnent pour des vérités i* Et il n’est guère possible de douter que l’auteur ne prenne au pied de la lettre ce qu’il appelle la forme psychologique de l’activité de la nature. La preuve, c’est qu’il nous parle des ruses, des artifices de la nature, des souffrances que lui impose la passion (p. 262). Ainsi un orage destructeur, une épidémie pernicieuse, moins encore la conservation d’une espèce animale sans beauté et sans utilité, comme le crapaud : tous ces faits seraient des passions, des douleurs de la nature. Il nous est impossible de suivre M. Maillet dans les conjectures aventurées de cette mythologie naturaliste, de cette physique anthropomorphe, qui, sur la foi de quelques analogies vagues, prête à la nature les caractères de