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analyses. — astié. Mélanges de Théologie.

comme des autres. La marche en avant, la réforme dogmatique doit être faite avec égards pour l’arrière-garde, et il n’y a pas grand inconvénient à ce que les usages du culte ou de la piété pratique soient quelque peu en arrière de la conception que se fait la tète de colonne. Le centre, dans un temps normal, formera en quelque sorte le régulateur, qu’il ne faudra point perdre de vue. De là la nécessité de concessions, concessions du théologien indépendant aux usages, mais concessions réciproques de la masse des fidèles envers ceux qui sont mieux à même qu’elle de mettre leur foi au point d’arrivée de la pensée contemporaine. On respectera volontiers les documents qui expriment la conception des générations précédentes, sans s’arrêter à leur forme, mais à l’intention qui les a dictés.

Ces propositions si modérées, si conservatrices, ne laissent pas que d’être jugées révolutionnaires par bien des gens. Il leur faut une mesure visible, tangible, brutale, avec laquelle on vérifiera, non pas le degré de sentiment religieux, — ces choses-là ne se mesurent pas, — mais la longueur du vêtement dogmatique dont a été affublé ce sentiment. Votre habit est trop court : sortez. C’est là un procédé enfantin. Mais, dira-ton, comment préserver l’Église chrétienne de l’envahissement du positivisme, du matérialisme, du panthéisme, de l’athéisme ? Mon Dieu, de la manière la plus simple. Si quelqu’un réclame droit de cité au sein d’une Église chrétienne, c’est qu’il fait cas du profil qu’il y trouve, c’est qu’il apprécie la richesse du sentiment religieux dont elle dispose, c’est qu’il attache quelque intérêt au litre de chrétien, au lien qui le rattache, au travers des siècles, au mouvement religieux qui a trouvé une si haute expression dans le judaïsme et a reçu son impulsion décisive de la personne de Jésus de Nazareth. Si une Église ne courait jamais de plus grands dangers que ceux qui lui viennent du trop grand empressement des gens à y rester ou à l’envahir, il n’y aurait pas grand lieu de s’émouvoir à son égard. Mais encore ces éléments inertes qui encombrent, et ces autres éléments d’extrême gauche et d’extrême droite, réfractaires à un fonctionnement régulier, eh bien ? c’est à la vie puissante de l’organisme qu’il appartient de se les assimiler ou de les expulser comme fait un corps vivant de substances étrangères et impropres à sa nourriture.

Nous croyons avoir déterminé ainsi, d’une part la valeur de ce que nous appelons avec M. Astié l’élément permanent du christianisme, de l’autre la condition générale du fonctionnement d’une Église. Pour cela, nous n’avons pas eu besoin d’employer les termes, d’ailleurs à double entente, de résurrection de Jésus-Christ, de surnaturel, de révélation. Qu’il plaise à quelques-uns de croire avec l’ancienne Église que le corps de celui auquel nous faisons remonter les racines de la vie religieuse moderne, manifestée dans les Églises contemporaines, soit sorti du tombeau par un effet de la puissance divine, au lieu d’y voir, selon l’opinion qui prévaut aujourd’hui, un phénomène psychologique complexe, mais explicable, ils en sont libres ; mais on ne voit pas trop en quoi cela est