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essentiel à la nature de la foi religieuse telle que nous l’avons comprise. Qu’importe aussi la croyance que des faits miraculeux ont eu lieu dans le passé, quand il s’agit simplement d’établir la place qui revient aux impressions et aux actions religieuses du présent dans l’ensemble de nos idées, aujourd’hui que le miracle n’existe plus pour les hommes d’une certaine culture et d’une certaine indépendance ?

L’autorité dont l’Église sera dépositaire, si l’on veut conserver cette expression emphatique, consistera donc simplement dans le prestige, librement accepté, qu’exerce une congrégation respectable, sans cesse appliquée aux problèmes religieux, préoccupée de mettre la foi en rapport avec la vue générale du présent, et qui peut dire : C’est moi qui dans le passé ai offert à l’âme humaine, au sein des peuples les plus avancés, les plus hautes satisfactions, et c’est moi qui les lui donne encore. D’autorité d’une autre sorte, d’une autorité appuyée sur une voix divine, sur une révélation surnaturelle, nous n’imaginons pas qu’il puisse en être question longtemps encore. Ces prétendues preuves, on nous les a présentées ; elles reposent sur une confusion, sur une illusion, tantôt naïve, tantôt volontaire, ce qui est plus fâcheux. De tous les partis religieux, celui qui semble avoir le plus approché de la véritable solution, c’est donc le protestantisme libéral, pourvu toutefois qu’il consente à rechercher le point d’attache de la religion non plus dans le passé, mais dans le présent, et à appliquer à cet objet, une fois déterminé, toutes les ressources de la philosophie contemporaine, en tenant compte, bien entendu, des essais antérieurs et des usages.

Ce n’est pas là précisément le point de vue de M. Astié, bien que nous ne soyons pas tellement loin de nous entendre. L’honorable professeur de Lauzanne, qui a réclamé avec tant d’énergie l’indépendance de la dogmatique, ne comprend pas la dogmatique si l’on n’admet pas que l’Évangile, fait historique qui s’est produit il y a dix-huit siècles, a été un événement surnaturel, miraculeux, rompant le cours de l’histoire. J’estime que le protestantisme libéral et d’autre part les travaux de Strauss, de Hartmann, etc., ont rendu cette position intenable. Le surnaturel ne saurait s’affirmer par la conscience seule ; on peut dire qu’une chose vous dépasse, on peut se sentir transformé au contact d’une personnalité éminente. Cela n’autorise pas à dire qu’il y ait eu là une intervention positive de Dieu. C’est à l’histoire de vérifier cette intervention, de constater si le mot correspond à son objet. Il nous est impossible de comprendre comment avec les ressources seules de la critique — et il faut bien en revenir là — on pourrait arriver à établir avec quelque sûreté le caractère miraculeux de la vie et de la personne de Jésus de Nazareth.

De tous les théologiens de l’école « indépendante », — c’est ainsi qu’il aime à la nommer, — M. Astié est certes celui qui mérite le mieux cette épithète. On sent en le lisant qu’on a affaire à un homme convaincu, intelligent et singulièrement alerte à se débrouiller dans les buissons de la théologie contemporaine. Nous avons également la plus grande