Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/259

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
253
hartmann. — la philosophie religieuse

vaillé de concert à former l’image du Christ telle que l’Église se la représente et y sont mêlés comme la chaîne et la trame ; mais, si l’ancienne Église pouvait se livrer à ce travail inconsciemment, aujourd’hui nous ne voyons plus seulement l’image telle qu’elle est sur le tissu ; nous reconnaissons la chaîne et la trame, et nous en avons décidément fini avec ce tissage. Nous avons appris que l’identification du principe de la délivrance avec le fondateur est une illusion historique et une contradiction de l’intelligence, et, quelque grande qu’ait été la valeur de ce type idéal, aussi longtemps qu’on a cru à sa vérité absolue, cette valeur est complètement nulle pour celui qui a pénétré au fond de cette illusion contradictoire. Si des hommes s’adonnant à la philosophie religieuse spéculative, qui ont eux-mêmes aidé à dévoiler cette illusion, veulent continuer à lui attribuer une valeur pratique, il y a là une profonde méconnaissance de ce qui est possible psychologiquement. Cette erreur peut s’expliquer seulement par ce fait que c’est précisément dans les communautés éclairées que l’hypocrisie religieuse est habituée à se soumettre aux exigences les plus absurdes.

Il est évident que la fausseté de cette christologie spéculative doit aussi exercer une certaine influence sur le culte religieux qui s’appuie essentiellement sur la christologie. Le sacrement de la communion ou le mystère de la mort du Christ est le pivot du culte chrétien, comme le symbole de l’image du Christ est le fond des discours de la chaire chrétienne, de sorte qu’en dévoilant la fausseté de la christologie on montre en même temps l’inanité du culte qui repose sur elle. « La vérité de toutes ces représentations (sur le sacrement) consiste en ce que, dans le culte, nous ressentons la présence divine ; l’erreur consiste seulement en ce que la présence intérieure dans l’esprit de l’adorateur est confondue avec la présence extérieure dans le matériel de la solennité ; si cette vérité-là constitue le mystère du culte, cette erreur-ci est la source de toutes les superstitions et de tous les actes miraculeux qui s’y rattachent si facilement et si fréquemment. » En d’autres termes : le sacrement excite une élévation religieuse dans celui-là seulement qui, d’une part, apporte déjà subjectivement ce qu’il vient chercher, et d’autre part s’approche avec l’idée qu’il le trouve seulement dans l’acte objectif. Le sacrement est donc, comme la prière, intérieurement efficace pour celui qui croit à son efficacité, mais non pas pour celui qui n’y croit pas ; par conséquent, il n’a aucun effet sur celui qui a découvert l’illusion d’après laquelle nous croyons que ce qui a été apporté inconsciemment est le résultat objectif de l’acte du culte. Dès que nous comprenons, l’illusion meurt, et avec elle s’évanouis-