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blement parce qu’il ne croit à rien : notre règle n’est pas la neutralité en face du vrai et du faux ; c’est l’horreur du faux et l’amour du vrai, mais un amour d’une sincérité entière, qui tient à la vérité objective et non aux opinions subjectives, qui est prêt à abandonner ses propres croyances toutes les premières si on les démontre fausses, à brûler ce qu’il avait adoré si on lui prouve qu’il n’avait adoré qu’une divinité et une vérité apparente. Nous croyons au dieu, non au temple, et au lieu de dire : Hors de l’Eglise point de salut, nous disons : Dans une église, même philosophique, point de salut.

Pour revenir à l’adage demi sceptique qu’on nous prête, nous n’avons écrit nulle part qu’il n’y eût point de réfutation. Nous avons simplement dit, dans La liberté et le déterminisme, et nous redirons volontiers aujourd’hui : « Mieux vaut compléter les doctrines que les réfuter ; mieux vaut accepter des autres et faire accepter de soi le plus possible. La méthode de conciliation, dans l’ordre philosophique, nous paraît supérieure à la méthode de réfutation, comme le libéralisme dans l’ordre social est supérieur aux voies répressives[1]. » Ces simples mots nous ont attiré de la Critique philosophique une verte réprimande : « Que dirons-nous, s’écrie M. Pillon, de cette méthode panthéiste de conciliation ?… Nous ne voyons rien d’intelligible dans une synthèse du oui et du non ; et il nous est impossible de prendre au sérieux une doctrine métaphysique ou un dogme religieux qui ne tient pas compte du principe de contradiction. Qui s’attaque à cette intolérance toute logique qui consiste dans l’exclusion de l’affirmation par la négation, de la négation par l’affirmation, s’attaque à la pensée même et fait le vide dans l’esprit[2]. » — Assurément ; mais où avons-nous proposé la synthèse du oui et du non et rejeté le principe de contradiction ? M. Pillon nous attribue gratuitement le « panthéisme logique » et le fatalisme de Hegel, qui absout l’erreur dans la philosophie au même titre que le mal dans l’histoire et dont nous avons nous-même réfuté les excès. Nous avions dit, il est vrai, dans la Philosophie de Platon : « L’intelligence la plus pénétrante est aussi la

  1. M. Sécrétan ne s’est pas mépris sur le sens de cette parole. « L’auteur, dit-il, annonce qu’il préfère la méthode de conciliation à la méthode de réfutation. Quoiqu’il n’ait pas pris le temps d’expliquer si dans sa pensée les deux procédés se combinent et se concilient à leur tour, nous ne doutons pas que sur ce point il ne reste conséquent à son principe, et nous sommes assuré qu’il ne s’interdirait point de réfuter une thèse erronée. » (Revue chrétienne, La liberté et le déterminisme, 2e  article, 5 oct. 1873.) Au reste, nous nous sommes nous-mêmes expliqué longuement à ce propos dans notre Histoire de la philosophie.
  2. Critique philosophique du 2 janvier 1873 : La méthode de conciliation en philosophie.