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baudouin. — histoire critique de jules césar vanini

l’Université d’Ossuna, à l’autre extrémité de la péninsule. De là, il s’était rendu à la cour du roi Philippe III ; mais une nouvelle poursuite du Saint-Office l’avait, contraint de s’enfuir une seconde fois : alors, il avait passé les monts, et voilà comment il était venu à Toulouse[1]. — C’est exactement, sous d’autres noms et avec d’autres circonstances, son premier séjour à Paris, son brusque départ pour Venise lors du meurtre de Silvius, son retour à la cour, et sa seconde fuite après la publication des Dialogues et la rentrée triomphante de Concini.

Ces fausses confidences, dont une relation de 1619 même s’est fait naïvement l’écho, étaient plus que suffisantes pour causer sa perte. La justice y puisait la certitude qu’elle n’était pas sur une fausse voie, que l’homme qu’elle voulait poursuivre, déjà traqué deux fois par le Saint-Office, devait être un grand coupable. Sur une dernière révélation, elle crut deviner ce qu’il faisait à Toulouse. Dans un accès de forfanterie bouffonne, évidemment pour s’amusera stupéfier ses trop crédules auditeurs, le signor Pompeïo leur avait conté qu’en ce temps-là il y avait à Naples douze athées, autant que d’apôtres ; qu’il était un de ces douze ; que tous ensemble avaient conspiré de convertir le monde à leur doctrine ; qu’ils avaient tiré au sort les diverses contrées qu’il s’agissait d’athéiser, et que c’était à lui, Pompeïo, que la France était échue en partage. Les gens du roi furent assez simples pour prendre au sérieux celte rodomontade. Ils ne doutèrent plus qu’ils eussent affaire à un missionnaire d’irréligion, et ils se résolurent à le faire prendre.

L’information ayant été secrète, il semble que l’arrestation de Pompeïo ne pouvait pas souffrir de difficultés. Mais il ne faut pas oublier qu’il était, comme on disait alors, domestique de M. de Caraman : or, cette seule qualité était pour lui comme une sauvegarde. Se saisir tout à coup de sa personne, c’eût été, selon les idées du temps, manquer de respect au comte, ou, pour mieux dire, l’offenser mortellement. Le zèle du Parlement pour la foi catholique, si brûlant qu’il fût, n’allait pas jusqu’à violer à ce point les bienséances. Il n’hésita donc pas à faire fléchir les prérogatives de la justice devant l’autorité toute morale, toute personnelle de cet homme de cour. Deux conseillers lui furent députés. Ils lui communiquèrent les soupçons que l’on avait touchant le précepteur de son neveu, les charges accumulées sur cet homme par l’information secrète, et le prièrent comme conclusion de permettre qu’il fût arrêté[2].

  1. Histoire de l’exécrable docteur Vanini, à la bibliothèque de l’Arsenal ; suivie par Zeiler, à l’endroit cité.
  2. Histoire de l’exécrable docteur Vanini, déjà citée, p. 8.