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ANALYSESlastarria. — Leçons de politique positive.

sel. Cela étant, est positive toute proposition sociologique qui est conforme au développement de l’homme et à sa liberté ; en revanche, toute proposition contraire à ce développement est inexacte, et les idées qui s’y rattachent sont fictives ou métaphysiques.

Ce critérium posé, il s’agit de constater les caractères essentiels de la société humaine. Or la société, telle que l’observation l’offre à nos yeux, est, non un mécanisme, mais un organisme, puisque chaque individu a une existence indépendante et croit obéir à ses impulsions personnelles tout en concourant à l’œuvre générale. On sait les développements brillants que M. Spencer a donnés à cette comparaison spécieuse de la société avec l’organisme : M. Lastarria se borne à l’indiquer brièvement. Néanmoins, cette diversité de travaux individuels qui coopèrent à une fin commune se laisse ramener à deux ordres distincts : l’ordre spéculatif, qui comprend le droit, la morale, la religion, la science, les beaux-arts, et l’ordre actif, qui embrasse l’industrie et le commerce. Telles sont les idées fondamentales, les sphères de l’activité sociale.

Le droit a pour objet de fournir aux autres idées fondamentales les conditions dont elles ont besoin. C’est par le droit que la société humaine devient société civile. L’État doit donc fournir à chacune des idées fondamentales ses conditions d’existence ; il doit garantir son indépendance. De là la nécessité, pour constituer la théorie sociale, d’examiner les rapports de l’État avec la religion, la morale, la science, les arts, l’industrie et le commerce. À cette théorie sociale succède la théorie politique, dont l’objet est de définir l’organisation de l’État, la constitution politique, la souveraineté nationale et son mode d’exercice, enfin l’application des principes posés, d’une part aux trois départements législatif, exécutif, judiciaire, de l’autre à l’administration des localités.

Tel est, sèchement esquissé, le plan général de la politique positive. À vrai dire, ce caractère « positif » et purement expérimental qu’elle prétend revêtir ne nous apparaît pas bien nettement. Est-ce la méthode expérimentale qui fournit le critérium indiqué et qui autorise cette affirmation d’apparence si métaphysique, que l’homme a pour fin le développement de toutes ses facultés conformément à l’ordre universel, etc. ? Puis la théorie des facultés élémentaires de la nature humaine, lorsqu’on l’établit uniquement par cette voie de l’observation externe, est-elle autre chose qu’une hypothèse, constamment sujette à vérification, tirant toute sa force de l’expérience des cas particuliers, et peut-elle dès lors servir elle-même à vérifier sans conteste les conclusions inductives dues à l’observation des faits complexes ? Puis encore, est-on bien certain, à consulter seulement l’histoire, que la religion, la morale, les beaux-arts soient des « idées fondamentales », et que ce ne soient pas simplement des faits plus ou moins durables, qui, ayant apparu à certain moment, pourraient disparaître quelque jour ? Le droit enfin, sur quoi repose-t-il dans une théorie qui,