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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, VIII.djvu/559

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ANALYSESardigò. — La morale dei positivisti.

la moralité, ne fait que lui nuire en proposant au croyant une fin égoïste sous forme de récompenses éternelles. Quant au gouvernement absolu, reste du pouvoir théocratique et qui prétend venir d’en haut, tandis que la seule autorité légitime vient d’en bas, son pire effet est de retarder l’éclosion des formes sociales supérieures qui sont virtuellement contenues dans la conscience de l’humanité actuelle (fédération universelle). En général, toute contrainte est, en tant que violation de l’autonomie, une atteinte portée au droit, une injustice. Le droit s’oppose par là à la force et proteste éternellement contre elle. La force est une irruption accidentelle des puissances désordonnées au travers de l’ordre légal, la plus haute des formations naturelles et le couronnement de l’ordre terrestre ; mais le droit est absolu et impérissable, parce que la nature le veut et qu’il résulte de l’enchaînement des phénomènes depuis le commencement des choses.

On peut, dit M. Ardigò, objecter à cette conception de la morale : 1o qu’elle désenchante cette vie en lui enlevant la perspective d’une vie meilleure. On oublie que l’homme s’adapte à toutes les conditions d’existence qui lui apparaissent comme nécessaires, le pauvre à ses privations, le prisonnier à sa cellule, le malade à ses souffrances et à sa faiblesse, le vieillard à ses infirmités : nous tous, ne sommes-nous pas d’une étrange tranquillité au sujet de la mort, si voisine pourtant ? De même, après un moment de trouble qui accompagne tout changement, l’humanité envisagera avec calme la destinée que lui fait la nature des choses. 2o Mais la responsabilité disparaît avec la liberté transcendante. Laissons parler ici l’auteur lui-même : « L’activité humaine est déterminée à se mouvoir par une idée, par une idée sociale (idéalité, sociale). Cette idée implique la prévision, déterminée ou vague, d’une réaction de la part des autres hommes, ou d’une sanction de cette même idée ; et de telle façon que la représentation de la sanction prévue concourra plus ou moins distinctement au mouvement produit. C’est pourquoi l’idée motrice apparaît comme obligatoire. On a donc, dans la conscience du sujet qui veut, un rapport connu entre le mouvement qui s’effectue dans sa volonté[1] et la sanction correspondante. C’est le rapport qu’on appelle responsabilité. Il est de la sorte caractéristique de l’activité humaine volontaire. — Une telle prévision et par conséquent la responsabilité n’existent pas dans la conscience à priori ; elles ne s’y trouvent qu’en raison de l’expérience qui a été faite de la réaction du milieu social, fait qui a été sans cesse confirmé dans la société et par le jugement des égaux et par les mesures des supérieurs. En vertu de la formation psychique, cette expérience se convertit petit à petit en spontanéité morale (impul-

  1. Pour M. Ardigò, la volonté n’est pas autre chose que la conscience de l’activité des masses nerveuses centrales. Voir sa psychologie, dans l’ouvrage La philosophie expérimentale en Italie. Ce passage est l’analyse qu’il a bien voulu faire à notre usage d’une partie de sa Morale alors que celle-ci n’était pas encore imprimée.